Un long métrage ambitieux, du moins visuellement, qui propose plus ou moins une conclusion à la trame amorcée durant les trois premières séries de la franchise Gundam : Mobile Suit Gundam, Zeta Gundam et ZZ Gundam. Seulement en théorie tout du moins car il est difficile de déceler une vraie logique créative et un effort de cohérence assidu dans les péripéties narrées durant une décennie de divertissements animés : en un monde où les allégeances se font et se défont en deux épisodes, où le conflit ne cesse de s'embrasser à nouveau dès la nécessité d'un nouvel antagoniste et où les capacités psychédéliques des NewTypes s'éveillent quand le scénario en a bien besoin, Gundam semble surtout marqué par une frénésie de l'imaginaire, à l'image de ses combattants Nekketsu, qui ne s'embarrasse pas forcément de la continuité de son œuvre pour plonger plutôt la tête la première dans de nouveaux enjeux intergalactiques. A ce titre, Char Contre Attaque évite soigneusement, et de manière presque éhontée, de mentionner les personnages et les évènements des deux précédentes séries, de telle sorte que le spectateur peut relativement prendre le train en marche s'il n'a visionné que les trois premiers films résumant les évènements de la première série (et qui furent apparemment une clé de voute du succès de la franchise sur le long terme malgré les audiences timorées de sa première diffusion).
Une déception forcément mais la démarche est partiellement contrebalancée par le plaisir de revenir aux sources du conflit avec la rivalité entre Amuro et Char, incarnant une thématique, pour le coup vraiment tangible, de la franchise Gundam : celle de l'émancipation de l'humanité à travers la conquête spatiale au détriment de son foyer originel (la Terre). Après les péripéties de Kamille et Judau, il est vrai qu'il est agréable de revoir Amuro au premier plan, même si le pauvre bougre n'a pas forcément droit à un développement personnel bien convaincant, en dehors d'une énième romance sortie du chapeau des scénaristes (pauvre Sayla décidément...); même fardeau pour sa Nemesis qui se voit affublé d'intrigues amoureuses assez inopportunes (alors que le personnage était présenté comme un célibataire endurci dans Zeta Gundam). Mais bref, il aurait été pertinent de conclure cette foisonnante saga sur la confrontation des deux icônes de la franchise, évoquer frontalement leurs blessures de guerre, leurs erreurs passées, leurs dissensions autant que leurs similitudes...Oui mais non en fait, il faut aussi insérer la sempiternelle pisseuse de 14 ans qui va essayer de séduire le moindre adulte à proximité parce que Japon alors que les gosses de son âge lui font déjà les yeux doux; encore une gamine endoctrinée dont les scénaristes semblaient décidément raffoler depuis Four et ses copines de Zeta Gundam (Rei Ayanami avait déjà de la concurrence bien avant sa popularité, quelques années plus tard). Dommage car on perd un temps considérable sur des protagonistes bien peu intéressants alors qu'il reste tant d'enjeux à résoudre dans un scénario qui se veut d'entrée de jeu assez expéditif (il faut s'accrocher dès l'introduction car les péripéties ont déjà commencées).
Au moins, la partie technique reste une sacrée bouée d'ancrage pour le public avec de nombreuses fulgurances visuelles et une fluidité des affrontements appréciable après les nombreux duels des séries télévisées; la figure iconique du Gundam semble magnifiée sur grand écran, bien que l'action manque quelque peu de lisibilité et accorde trop d'importance aux "Fin Funnels" plutôt que les acrobaties périlleuses des pilotes. De même, il est quelque peu regrettable que le film use et abuse des bruitages tirés de StarWars alors que les séries Gundam avaient déjà leur propre identité sonore et visuelle; fort heureusement, les possibilités offertes par l'animation offrent des cadrages beaucoup plus audacieux et dynamiques qu'une prise en vues réelles, de telle sorte que le sentiment de redite avec la saga de l'Oncle George reste très timoré au demeurant. Et puis, je dois bien avouer que j'apprécie énormément la peinture des colonies spatiales telle qu'elle est dépeinte dans cette fantaisie Gundam où à bien des égards, l'habitat de l'homme est bien plus luxuriant parmi les étoiles qu'il ne l'est désormais sur terre; à ce titre, il est appréciable que quelques scènes terrestres dépeignent également une terre nauséabonde et au bord de l'implosion pour donner plus de légitimité à la résignation amère de Char sur cette planète devenue indésirable à ses yeux pour l'épanouissement de l'humanité. Mais puisque la romance est décidément omniprésente dans ce "dernier" long métrage du Siècle Universel, la disparition de Lalah Sune continuera de hanter l'esprit des deux hommes jusqu'à leur dernier affrontement, alors que je pense qu'il y avait tout de même d'autres éléments à aborder sur leur passif commun (même si Lalah incarne à bien des égards la composante psychédélique de la série originelle avec laquelle Char Contre Attaque ne renouera que brièvement).
Enfin, le film se la joue un peu petite bite (passez moi l'expression) en dédaignant d'illustrer de manière concrète la mort d'Amuro et de Char dans leur ultime confrontation ; passe encore que les capacités des NewTypes s'éveillent à nouveau en un Deus Ex Machina fort pratique pour le scénario mais le film semble vraiment rater son impact émotionnel en refusant d'accorder à ces personnages emblématiques un véritable adieu visuel en bonne et due forme; il fallait sans doute garder une porte de sortie pour un retour éventuel puisqu'à nouveau, je doute fortement que la vision du créateur soit vraiment gravée dans le marbre mais puisqu'il s'agit véritablement de leur dernière apparition sur grand écran, les deux rivaux méritaient mieux. Un peu à l'image de ce film sympathique mais guère transcendant au delà de sa virtuosité technique.