L'essence de cette palme d'or est, je trouve, assez bien résumée par l'un de ses personnages.
Il s'agit d'Ann, la gentille dame du Pôle Emploi local.
Tout d'abord,voici le personnage auquel, moi, petit spectateur lambda, je m'identifie le mieux dans cette histoire: elle est empathique envers Daniel, je suis empathique envers Daniel; elle va transgresser les règles pour Daniel, j'ai envie de transgresser les règles pour Daniel; elle est impuissante à aider Daniel, je suis impuissant à aider Daniel, elle pleure pour Daniel, je pleure pour Daniel ; mais surtout, elle n'est pas dans la mouise jusqu'au cou comme Daniel: elle est spectatrice. Et finalement, comme moi, elle a son petit boulot, assez d'argent pour aller au cinéma un soir pluvieux de novembre dans une vie somme toute confortable et protégée.
C'est la force du film car Ken Loach nous interroge doublement: il nous montre les ravages de la tatcherisation dans les provinces d'un Royaume Uni trop souvent identifié à sa surdynamique et internationale capitale et il nous met en position de nous demander ce que nous ferions, confrontés à cette injustice.
Mais c'est aussi sa faiblesse. Le réalisateur appuie malheureusement un peu trop sur ses effets.
Chaque scène où Ann apparaît cristalise les émotions qu'il veut nous faire ressentir, et un peu au forceps.
Donc oui, peut être un peu comme le jeu de son actrice incarnant Ann, l'ensemble manque un peu de subtilité mais reste tout à fait recommandable.