A 80ans, Ken Loach garde légitimement un regard acéré sur notre époque.
Dans son I, Daniel Blake il documente avec un réalisme froid le parcours du combattant de Daniel Blake, menuisier de 59 ans victime d'un accident cardiaque, que l'on voit remuer ciel et terre pour réussir à accéder à une allocation d'invalidité à laquelle il a pourtant droit.
Il faut dire qu'à la fin des années 2000, sous l'impulsion d'une série de réformes conduites par George Osborne et sa bande de zigoteaux, l'Angleterre est entrée dans une phase de privatisation de son système de santé.
Des logiques d'évaluation, de concurrence, de management, de profit sont venues percuter la qualité d'un service de première nécessité.
Dans I, Daniel Blake, Ken Loach montre comment le citoyen Blake est devenu un laissé-pour-compte de ces politiques destructrices qui multiplie le nombre de victimes potentielles d'un système devenu complètement fou.
Un système dans lequel tout est fait pour vous décourager, dans lequel on multiplie volontairement les obstacles, on entrave plutôt que d'aider, on humilie, on déshumanise, on asservit.
Alors forcément, à la sortie de ce grand opus Loachien, on a envie de donner des paires de tartes à tous ces grattes-papiers qui trouveront toujours de bonnes raisons pour vous expliquer qu'il est aujourd'hui (plus que jamais) nécessaire de faire confiance au marché.
Que les déficits publics justifient amplement les grandes phases de privatisation dans laquelle nos sociétés modernes sont lancées à corps perdus depuis plusieurs décennies déjà.
Et tant pis pour la santé, et tant pis que les petites gens, et tant pis pour la solidarité, et tant pis pour Daniel Blake.
Un film qui vous prend aux tripes.
Un film qui résonne terriblement avec notre terrible époque.
Un film colère.
Un film actuel.
Un film social.
Un film politique.
En un mot, un grand film.