Voici cinquante ans que Ken Loach réalise les mêmes œuvres. Quand un de ses films sort, on sait qu’on va parler des classes sociales et on sait également qu’il sera nommé dans les plus grands festivals. Pourtant son style ne s’essouffle jamais et encore une fois son regard authentique sur notre société lui permettra d’accéder à la Palme d’Or. C’est avec deux acteurs méconnus qu’il décide de mettre en image son aberration du système administratif britannique. Le film s’ouvre sur une conversation téléphonique entre Daniel et une professionnelle de la santé mandatée par l’Etat pour juger s’il est apte au travail. Après une crise cardiaque, son médecin, son kiné et son chirurgien lui ont pourtant formellement interdit de reprendre le travail. Mais l’absurdité des formulaires et questionnaires établis par Job Centre Plus, l’équivalent de notre Pôle Emploi, le considère comme apte et lui retire toute indemnité d’invalidité. Sans y comprendre grand-chose, il doit donc constituer un dossier de demandeur d’emploi et prouver ses recherches. Il va rencontrer cette mère célibataire qui elle, joint les deux bouts pour offrir à ses enfants un avenir meilleur, au point de littéralement mourir de faim. Moi, Daniel Blake va nous plonger dans ce système inadmissible et trop strict qui ne met clairement pas l’aspect humain en jeu. Si vous ne rentrez pas dans les cases, vous êtes jetés à la rue. Ken Loach filme ses personnages avec une distance honorable, pour ne jamais s’immiscer dans leur intimité et ainsi nous laisser penser par nous-même de la dureté de ces situations. Mais ces dernières sont telles qu’il nous sera impossible de ne pas fondre en larme. Ken Loach n’a pas forcément cherché ce bouleversement, car c’est davantage de la colère contre le gouvernement que nous ressentirons, plutôt que cette empathie trop souvent présente dans les drames sociaux. C’est ce trop-plein d’humiliation qui va nous peiner et il est certain qu’en sortant de la salle, nous aurons tendance à nous remettre en question sur notre propre condition. Moi, Daniel Blake est un film poignant qui prouve bien que lorsqu’on a plus d’amour-propre, on est foutu.