Cette critique acerbe de la haute société, celle de l'élite économique qui dirige le monde d'aujourd'hui, n'a pas eu l'écho escompté, ni même le succès qu'il mériterait amplement. Cette diatribe, filmée sous l'apparence d'un documentaire (qui consiste à suivre le quotidien d'un grand patron grâce à l'initiative d'un journaliste chevronné, comme on en voit peu dans la vie réelle), est pourtant d'une très grande ambition. Les acteurs se livrent à une très sincère prestation, et qui rendent le docu-fiction terriblement réaliste. Beaucoup d'illustrations ludiques alternent avec le récit lui-même, et le capitalisme effréné que le film révèle dans toute sa splendeur (et en toute sobriété) fait froid dans le dos... Même si c'est une fiction, on en vient à se demander si il n'y a pas une plus grande part de vérité dans ce genre de pamphlets impopulaires que dans les informations de 20h...

Mais ce qui sans doute décrédibilise le film, c'est sa portée critique univoque, nous montrant un patron horrible et dépourvu de sens moral, et un journaliste entièrement dévoué à sa mission première: informer. Or, chacun sait que le journalisme n'est (presque) plus cette noble et libre profession que l'on vantait. Appartenant aux puissants, il se résout désormais à nous fournir partialement et partiellement la vérité, répondant aux intérêts des uns et des autres. Alors certes, le manichéisme du film peut susciter l'ire des anticapitalistes, en leur offrant sur un plateau d'argent le "méchant" patron, mais il peut aussi (et surtout selon moi) desservir le discours antilibéral dont il se veut pourtant garant. Ainsi, les spectateurs sceptiques, pas foncièrement antilibéraux, peuvent à travers cette fable politique, trouver plus de compassion chez cet homme ingrat et inhumain (car déshumanisé) que chez le journaliste, pourtant brillamment incarné par Laffitte. Il n'en demeure pas moins que d'un point de vue technique, le film frise la perfection. Le montage pseudo documentaire, jalonné de petits films d'animations confère au film une qualité esthétique insoupçonnée.

Mais si la portée critique du film peut être limitée, du fait d'une réception française souvent frileuse au discours politique, surtout lorsqu'il est porté en direction du divin patronat (ahh le film gauchiste ! pourrait-on éructer à la fin du visionnage), on peut reconnaître au film une volonté de bien faire, avec un jeu d'acteurs remarquable (bien qu'encore une fois excessif), une bande son agréable, parfois ludique, et une mise en scène plutôt bien maîtrisée. On a en définitive un film français de bonne facture, avec comme toile de fond un capitalisme caricaturé (réaliste, du coup?), risquant du coup de discréditer le pamphlet qu'il est censé être.
Johan_Danielis
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le 6 oct. 2013

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Johan_Danielis

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