Ce film est tiré d'une histoire vraie : celle d'Olga Hepnarova, une des dernières personnes exécutée de Tchéquoslovaquie, en 1973 à l'âge de 23 ans. Dans une tentative de reconstitution de sa vie, Petr Kazda et Tomas Weinreb tentent de montrer de la manière la plus neutre possible, sans prendre de parti pris, ce à quoi a pu ressembler la vie de la jeune femme et comment elle a pu raisonner pour en arriver là. Après avoir écrit une lettre motivant ses actes, la jeune femme, ayant vécu une vie de solitude et de maltraitance de la part de sa famille et de ses camarades (notamment en raison de son homosexualité), décide de se venger en prenant le volant d'un camion-bélier, et de foncer sur une foule de personnes qui attendaient le tramway. Lors du procès, dans une démarche profondément nihiliste, elle refuse que ses actes soient imputés à ses troubles psychiatriques (schizophrénie), et insiste bien sur le fait qu'une peine capitale donnera du sens pour toujours à ses actes, en se positionnant en martyr des "Prügelknabe", un mot allemand qui se traduirait par "souffre-douleur". Et dans un sens, c'est ce qu'il s'est passé.
Ce qu'on ne voit pas dans le film, c'est que la mère d'Olga tente de faire appel, sans succès.
On apprends par diverses interviews que c'était une jeune femme extrêmement timide, peu sociable, et qu'après un passage dans un hôpital psychiatrique dans son adolescence à cause d'une dépression, elle s'est mise à fumer. Sa soeur, Eva Hepnarova, qui ne l'a pas visitée une seule fois durant son séjour, considère que sa sexualité a été "influencée dans le mauvais sens" à partir de ce moment là. Olga, qui vient d'une famille peu soudée et violente, semble avoir beaucoup souffert des mauvais traitements qu'elle a subi. Suite à cela, elle quitte la maison familiale pour s'installer seule dans une cabane, puis dans une sorte de logement social où elle enchaîne maladies et injustices.
Hormis une photographie très esthétique qui se tient, car le noir et blanc et l'omniprésence de la fumée appuie sur le nihilisme prégnant du film, il y a un sous-texte philosophique très intéressant. Si certaines scènes sont un peu longues, elles ont un sens et portent une lourde charge émotionnelle. On peut supposer qu'Olga Hepnarova a appliqué sa propre philosophie dans la forme la plus radicale qu'il soit, pour montrer ce que la solitude et la violence peut faire à un être humain ; si son acte était effectivement prémédité et fait dans cette volonté, dans une grande lucidité, on peut se demander si son état n'était pas si détérioré que celui-ci l'aurait poussé à céder à des pensées intrusives que l'on peut tous avoir quand on vit la haine dans sa chair pendant aussi longtemps. Le film fait ressortir une des pires failles de la société : celle de suicider ceux qui ne peuvent pas vivre, ceux qu'elle considère comme des déchets.