Le patinage artistique est un sport d’avantage regardé par les femmes que les hommes, c’est statistique. Et comme je ne voudrais pas fausser les chiffres, autant vous dire que la perspective de regarder des personnes en tutu faire des courbettes pour impressionner une bande de juges plus intéressé par le nom du couturier des candidats que par leur chorégraphie ne me fais ni chaud ni froid. Mais à défaut de pouvoir rouler des patins à Margot, pourquoi ne pas se consentir à la regarder danser sur la glace. De ce point vue-là pas de déception. Même si la belle s’est enlaidie dans un souci de réalisme, sa grâce n’a que peu d’égale, et sa prestation est quand même bien plus glamour que celle de Will Ferell dans Blades of Glory.
Au risque d’en décevoir certains, le réalisme n’aura pas été poussé jusqu'à la reproduction de la sextape de Tonya Harding ce qui n’a pas pour autant empêché Margot de transpirer sur le tournage. Habituée à fréquenter les patinoires dans les gradins d’une ligue de hockey amateur, c’est cette fois à même la glace qu’elle a du faire ses preuves. Et si 4 mois d’entrainement n’auront évidemment pas suffi à lui faire maitriser le fameux « Triple Axel » sa performance n’en reste pas moins excellente, nous faisant presque oublier les quelques purges dans lesquelles elle a pris part ces dernières années. Presque.
Médaille d’or également pour Allison Janney, incroyable dans le rôle de la mère impitoyable. Malgré l’aspect biopic, les personnages secondaires ne sont en réalité pas en reste, n’hésitant pas à briser la glace et le 4éme mur régulièrement. Le style est énergique, le langage non censuré, une représentation sulfureuse du monde du patinage artistique s’offrent à nous, loin de l’image de cul serré que l’on pourrait en avoir. Pas complètement réaliste, probablement exagéré ? Peut-être, mais en tout cas cela fonctionne plutôt bien.
Cela n’étonnera peut être que ceux comme moi, peu au courant du fameux « incident » mais on est quand même face à une histoire assez rocambolesque. Absurde à souhait, à l’image du personnage du bodyguard Shawn Eckhardt, le nœud de l’intrigue aurait très bien eu sa place dans un épisode de Fargo. Au final, en ressort un mélange de genre détonnant, qui même si il patine sur certains aspects, donne une énergie singulière au récit. Appuyé qui plus est par un montage plutôt malin et une BO plutôt cool, avec une sélection de morceaux bien choisis qui à défaut de plaire au jury, donne une résonance supplémentaire aux scènes de patinages.
America. They want someone to love, they want someone to hate. D’un côté Tonya Harding, la redneck à la langue bien pendue, à la dégaine rockn’roll, et aux choix sentimentaux discutables. De l’autre Nancy Kerrigan, plus en raccord avec l’image puritaine que voudrait se donner la nation, une parfaite petite miss avec des patins. Une dualité binaire comme seule l’Amérique sait en créer, certainement bien moins nuancée qu’en vérité. Mais où se situe vraiment la vérité sur ce genre d’affaire ? It’s bullshit. Everyone has their own truth, and life just does whatever the fuck it wants.
Un scandale qui dépasse allégrement le cadre sportif, un traitement médiatique aux allures de reality show, un procès et une rédemption improbable sous forme de reconversion sur les rings de boxe anglaise. Certains plaindront une vision trop complaisante de Tonya, mais c’est pourtant un portrait typiquement américain qui se dessine, celui d’une personne capable de faire des erreurs puis de nous regarder face caméra en nous lâchant un « It wasn’t my fault ! ».