De base, quiconque tente de s’écarter des sentiers archi-balisés du biopic, genre sanctifié par Hollywood s’il en est, mérite un certain respect. Mais si en plus le format choisi, en l’occurence une sorte de faux documentaire, transcende le matériau d’origine pour en faire une comédie féroce peuplée de personnages secondaires dignes des Frères Coen, ça vaut carrément une tournée de francs applaudissements.
Pourtant, si Allison Janney, Sebastian Stan, Bobby Cannavale et, surtout, Paul Walter Hauser en homme de main débile, sont tous prodigieux, aucun n’arrive à la cheville de Margot Robbie, épatante dans le rôle-titre.
Son interprétation, miraculeuse et multi-dimensionnelle, réhabilite le vilain petit canard du patinage artistique, en donnant à voir toutes les facettes de sa personnalité.
Sans misérabilisme ni travestissement des faits, Craig Gillespie parvient progressivement à nous faire prendre de la hauteur par rapport à la très médiatique agression de Nancy Kerrigan, suscitant au passage une empathie qu’il ne s’efforce même pas de capter.
En effet, s’il ne dissimule rien de l'environnement compliqué de Tonya Harding ou du racisme de classe dont a été victime la jeune femme (23 ans à peine au moment de « l’incident ») dans le monde "plus conservateur et magouilleur tu meurs" du patinage artistique, Gillespie ne force pas pour autant le trait de la victimisation.
Certes, l’entourage et la jeunesse de Tonya Harding constituent de véritables circonstances atténuantes, mais elle ne cherche ni compassion, ni rédemption. Maltraitée, blessée, battue et mal-aimée, Tonya Harding est aussi une battante, une mauvaise perdante et une grande gueule déterminée à rendre coup pour coup.
Si les fêlures de l'icône déchue se révèlent un peu plus à la fin du film, le dernier plan nous rappelle que Tonya Harding n'était ni une mauviette ni une bad girl, mais une sorte de punk sur glace, pas assez consensuelle pour le si lisse univers du patin à glace. Tant pis pour eux.