Où Dolan ne cache qu'un instant de lui.
Voir Mommy une petite semaine après J’ai Tué Ma Mère en fait une expérience singulière et étrange sur bien des aspects. D’abord la présence d’Anne Dorval qui incarne le rôle maternel titre des deux films dans des registres radicalement différents (si ce n’est une tendance au mauvais goût) mais aussi justes l’un que l’autre. Elle est le premier vrai « trésor national » qui j’espère ne cessera pas d’inspirer Dolan de si tôt.
Dolan, ensuite, réalisateur doué et proclamé petit génie du cinéma depuis ses débuts, a fait bien du chemin en cinq films non pas au niveau de la thématique filiale qui ne le quitte pas (mais n’aime t’on pas dire que les grands réalisateurs racontent toujours la même chose ?) plutôt au niveau de l’approche cinématographique : il se déleste progressivement des figures imposées qui écrasaient un peu son premier film, préférant comme jamais auparavant mettre en avant les instants d’innocence plutôt que de copier des images et des rêves qu’il avait. Encore plus que ses précédents films, Mommy regorge de séquences fortes, incroyablement fortes qui marqueront durablement : c’est sans doute la première fois dans sa filmographie que cette volonté de tout donner à ses personnages fonctionne aussi efficacement, justement parce Dolan cherche moins à donner le change et à faire des choix. Il ne nous abandonne jamais en route mais nous invite toujours plus à vivre son histoire, chevillée aux corps.
Il y a quand même des bémols : je ne suis pas rentré dans le film avant que le trio ne soit réuni au son d’un autre trésor national québécois (merveilleuse scène) et Dolan n’est pas encore affranchi de certains tics et références. La musique pop omniprésente n’est pas toujours utilisée à bon escient et lisse parfois le film, et une séquence en particulier, qui offre pourtant une émouvante respiration en 16/9 à Diane, est beaucoup trop calquée sur le final d’une grande série d’HBO pour être honnête. A défaut d’être le chef d’œuvre annoncé, Mommy restera bien comme un moment fort de 2014 et un tournant dans l’œuvre de Dolan, qui ne cache au final qu’un instant de lui.