C'était LE film que j'attendais le plus en cette année 2014. Et je ne suis pas déçu. Comment l'être de toute façon devant une telle oeuvre !

Car dans Mommy on passe par toutes les émotions : on rit, on tremble, on pleure... Il est peut-être important de préciser que si Mommy est taillé dans l’étoffe du mélodrame, il l’est aussi dans celle de la comédie, et une bonne part de son attrait irrésistible réside dans ce va-et-vient permanent entre humour et gravité, grosses crises de rire et grandes crises émotionnelles.

Le format carré du film tranche avec la production actuelle de plus en plus standardisée par les chaînes de télévision et fonctionne bien. Il pourrait immédiatement être décrié comme un caprice par les mauvaises langues mais celles-ci auraient succombées aux dizaines de préjugés que traînent injustement le réalisateur. Non, ce format est l’aboutissement d’une maturation opérée sur plus de cinq films (car il faut ajouter le clip College Boy) et de l’expression graphique de l’obsession de Dolan : le regard ostracisant de la société sur l’individu.

Tout en ayant un format radical, Mommy est aussi une étape dans la filmographie du réalisateur beaucoup plus sage, linéaire et grand public. Quand on pourrait imaginer qu’écrire un scénario avec des personnages créés de toute pièce permet un travail plus libre et des expérimentations à foison (comme c’était le cas avec Laurence Anyways), le cinéaste, avide d’une visibilité accrue, choisit de simplifier son style exubérant et d’ancrer son récit dans un réel possible. Dolan ne s’est pas pour autant trahi, il a juste appris à s’effacer pour mieux servir son histoire et ses personnages. La scène du fantasme de la mère où Steve se transforme en sosie du réalisateur (en plus grand) rappelle que le cinéma de Dolan n’est pas un cinéma comme les autres et qu’il est précieux. Xavier Dolan, c’est le désir d’être aimé.

Mommy c'est aussi un film d'actrices. Anne Dorval et Suzanne y sont brillantes, et auraient bien mérité un prix d'interprétation féminine à Cannes. Mais il faut souligner que tous les acteurs y sont extraordinaires, à commencer bien évidemment par Antoine-Olivier Pilon, qui tout au long du film nous fait osciller tel un funambule très l'aise dans l'exercice entre toutes les émotions.

L'irruption des chansons est encore plus décisive que dans les films précédents. Elles sont le seul héritage du père, disparu quelques années plus tôt — il a laissé une simple compilation sur CD. Elles peuvent devenir le moteur d'une scène et de l'action. Exacerber les rapports de force qui sont le grand sujet du cinéaste. Ou bien les suspendre, le temps d'une parenthèse, d'un abandon voluptueux, d'une ivresse partagée.

Et l'on a envie encore très longtemps de s'enivrer au rythme des films de ce désormais immense réalisateur qu'est Xavier Dolan.
Lobzl
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le 10 oct. 2014

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