« Vintage », c’est ce que m’a inspiré le premier plan qui s’apparente à une vieille photo « pola ». Si étonnée au premier abord par cette approche du cadre en 1:1, celui-ci ne tarde pas à se faire accepter. Un cadre hypnotique, parfait, sincère qui se veut esthétique mais pas seulement.
Steve, adolescent atteint de troubles du comportement, revient à la maison, chez sa mère, « D.I.E » après un séjour en centre pour enfants souffrant de TDAH. Diane est une femme seule qui tente de gérer les crises de son « gars ». Elle ne tarde pas à se faire épauler par Kyla, leur voisine, elle aussi souffrant de troubles.
Le texte introduit sur fond noir des premières minutes du film, nous plonge dans un futur, projetés en 2015. Le ton est grave, alertant, mettant face à un sujet sérieux avant toute chose. Or, durant la plus grande partie du film, nous ne sommes absolument pas confrontés à ce « programme » pour jeunes, que l’on attendra tout le long, et tombe quand on ne s’y attend pas. Le film joue alors sur les devinettes, sur des phases de cache-cache qui s’avèrent souvent faciles. La mort du fils de Kyla, l’absence du père etc…
Le film « Mommy » reprend les mêmes codes esthétiques que tous les autres films de Dolan, mis à part le cadre. Une esthétique du ralenti, de l’image poudreuse et vieillie, des couleurs parfois pastel ou pétantes, des habits choisis au doigt et à l’œil etc… Heureuse de retrouver une patte qui m’a plu dès le début. Mais cette-fois ci, je ne peux pas en dire autant, majoritairement pour ce qui est du choix de la musique. Si je les apprécie, celles-ci monopolisent le film. Elles ne sont présentes que dans le but d’appuyer un sentiment. L’effet fonctionne à coup sûr, mais se fait lourd. Le moment où la musique est, je trouve, bien utilisée, est quand Steve écoute sa propre musique, rap, et nous spectateurs, une ambiance douce. Si généralement les musiques accompagnaient les humeurs des personnages, ici la musique appartient à la narration même, nous avons le sentiment de ne jamais pouvoir entrer dans le monde de Steve. La musique est trop peu utilisée dans un but concret, dans un apport à l’intrigue. Alors que les séquences sans musiques sont empreintes d’un réalisme et d’une force inégalées. La musique est là « pour faire joli ».
Cependant « joli » n’est pas pour autant le maître mot de ce film. Si des thèmes légers sont abordés dans Les Amours Imaginaires par exemple, ici nous sommes heureux de constater une certaine évolution dans le cinéma de Dolan. « J’aime filmer les explosions », et il le fait avec brio. Mon attrait pour Dolan se justifie, en un sens, par son approche du conflit qui est toujours filmée très directement, très humainement (scène de la dispute dans la voiture dans J’ai tué ma mère). Le cadre en 1:1 amplifie considérablement notre proximité avec les personnages, nous met au plus près des sentiments et des actions. La séquence qui évoque le mieux ce que j’aime chez Dolan est la séquence d’internement, sur le parking. Si les scènes de tensions ont toujours étés fortes dans ses réalisations, j’ai ici assisté, grâce à une performance d’acteur inouïe, à un des moments les plus forts au cinéma au niveau de la violence, physique et mentale.
Le film est à l’image de Steve. Nous nous retrouvons dans des états d’esprits tout à fait ambivalents, un ascenseur émotionnel qui ne cesse de nous rappeler à la réalité puis à un idéal, à la folie et à l’apaisement. Un film qui se déroule dans les tripes, qui donne à pardonner nos parents, qui vise à se questionner sur nos relations, qui vise à aimer la vie, avec « espoir ».
En effet, le film peut agacer par son esthétique exacerbée, souvent facile, « C’est pas parce que c’est vintage que c’est beau », non, en effet. Mais tout ce qui en émane, les sentiments, les séquences d’amour, de haine, d’explosion font de « Mommy » un moment d’émotion pure et intense. « Parce que la vie avec Steve c’est comme un 25 cents, parce que tu sais jamais si tu vas tomber pile, ou bien si tu vas tomber en pleine face ». Pour ma part, c’est tombé pile.
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