Xavier Dolan, oui, c'est un doue, voire surdoue. Son precedent film (Tom a la ferme) avait marque un tournant (univers loin du Montreal insouciant et aise)... Mais je l'avais alors soupconne de menager ses reserves, le film etait du Dolan 'sous tranquilisants'... bien, mais sans plus, un peu comme s'il etait au volant d'une voiture, et qu'il ralentissait pour prendre un virage sans faire de sortie de route, pour accelerer ensuite dans la courbe...
Ce dernier opus 'Mommy' a confirme qu'il y a mis toute l' energie decuplee qu'il avait emmagasinee avant...
La suburb dortoir du Montreal laissee pour compte est utilisee comme decors a tres juste niveau, la vie devrait y etre laide et ses habitants deploient une energie considerable pour la rendre belle... pourtant tout y est bien plus ephemere que dans les quartiers residentiels ou Mommy va faire des menages pour survivre... le reste de cette vie mouvementee pourrit dans des cartons qui serviront pour des vides garages..
Autre element du decors, le langage. Dolan des la premiere scene a la fois illarante et tragique, nous plonge dans le francais de la rue Montrealaise, assez inaccessible pour nous... (pourtant j'y ai passe 2 mois et celui la est severe!.) Dans le generique il est ecrit que XD a ecrit les sous-titres anglais et francais. ce n'est pas anodin...
Imaginez un film truffe de verlen et d'argot du 93 qui serait projete a des Canadiens..! Il marque la communication a sens unique.. Mommy (D.i.e) comprend le francais academique sans aucun probleme, voir la scene tres drole de 'l'entregent', mais les quebequois 'eduques' ou du monde ne comprennent pas forcement le sien... c'est son bouclier, son arme qui permet de garder a distance ce monde hostile a son univers et de preserver son histoire que personne ne peut penetrer. Il y a ce parallele avec les traductions d'anglais qu'elle fait aussi pour survivre, pour les enfants. Ce n'est pas plus dur pour elle que de devoir parler le 'haut' francais... et le monde des enfants, elle le connait trop bien..
Et puis il y a le personnage de Kyla... autre personne reclue dans son monde... elle, elle a une fille normale, un mari present (du moins physiquement) mais elle ne peut pas s'exprimer dans ce monde... et c'est au contact de Steve et D.i.e qu'elle va s'ouvrir, pour entrer et rester dans leur bulle, se proteger mutuellement, et rever. Elle represente le passeport pour D.i.e et Steve au droit de vibrer, et tout simplement etre quelqu'un, et en retour elle respire... sa vie qui a l'instar de son handicap, begayait, trouve un moyen de reprendre un cours plus 'fluide'. Le trio se nourrit et demultiplie l'energie de chacun.
Et Steve bien sur, cette boulle d'hyperactivite, aussi attendrissant que monstrueux parfois, adulte et enfant, qui cristallise les absurdites du monde dans lequel ils vivent, le catalyseur de toutes les situations...
Le jeu des acteurs est incroyable, Anne Dorval l'actrice qui joue serieusement un role de fada dans la serie canadienne dejantee 'le coeur a ses raisons' , et qui etait deja la mere dans 2 de ses precedents films, a ete choisie par Dolan pour tenir tous les roles de cette mere bien malmenee par la vie... Elle y est scotchante... il faut voir tout le registre d'emotions qu'elle est capable d'incarner et de transmettre, et l'energie qu'elle degage ou absorbe. Le moment le plus marquant sans doute etant la derniere scene ou elle apparait, passant de la femme sur d'elle a une tout autre personne que la douleur fait viellir de 30 ans en une seconde, difficile meme a reconnaitre.. transfiguree au sens litteral .. juste impressionant!.
Les autres acteurs sont aussi tres justes, emouvants, percutants.
Et puis, je reste toujours interdit en face de ce phenomene de 25 ans qui comprend et met si bien en scene (au sens litteral) les femmes. Tout simplement bluffant!
Il y aurait encore tant a dire.. Avec ce film, Dolan nous confirme qu'il laisse les bavards a leur petits films, pour revetir l'habit de veritable compteur d'histoire....