Chouchou de la presse cinématographique, Xavier Dolan semble avoir tout pour lui. De l'audace, de l'intelligence, et du pouvoir : il en est déjà à son cinquième film, à 25 ans. Cette énième histoire de rapports humains alambiqués fera le bonheur de tous les amateurs de psychologie de comptoir, ils auront 2H20 pour pondre une dissertation. Peu de fond, beaucoup de forme. Dolan aime la forme. Sa façon de cadrer nous rappelle les ambitions naissantes d'un jeune adolescent qui découvre la fonction "filtres" de l'appareil photo intégré à son smartphone tout neuf. La façon dont il joue à alterner les formats d'images (réduit quand les personnages sont tristes, élargi quand les personnages sont content, c'est pas compliqué) part d'une bonne intention, celle d'un enfant persuadé d'avoir accouché d'une idée révolutionnaire. Dommage, à force de noyer son intrigue dans une profusion d'artifices, Dolan la relègue au second plan. Une accélération survient alors à la moitié du film, arrachant le spectateur de l'ennui tant bien que mal, et nous redonnant presque le sourire lors d'une scène de karaoké très réussie. Mais c'est trop peu.
Bien évidemment son intrigue, malgré sa faiblesse, est matinée d'idéologie. Le couple hystérique et iconoclaste formé par la mère et son fils apportent la lumière à la pauvre femme au foyer qui s'ennuie, prisonnière d'un mari ennuyeux et insensible face à la joie de vivre que trimballent nos deux colibris. Et comme par hasard, l'équilibre et le bonheur du foyer seront retrouvés lorsque la place du père décédé est à nouveau occupée... par une femme ! La cerise sur le gâteau, c'est surtout la scène où la mère imagine quel serait un avenir idéal pour son fils : qui se transforme alors en un clone de Xavier Dolan (à moins que ce ne soit réellement lui, c'est à vérifier) apparaissant comme le gendre idéal.
Narcissique, artificiel, nombriliste et vide. Le succès de "Mommy" n'est pas étonnant. Il peut se réjouir d'être le reflet sans équivoque de son époque.