Mon ami Dahmer
6.1
Mon ami Dahmer

Film de Marc Meyers (2017)

Aller à l'école avec un futur serial killer

Je vais me permettre de comparer le film et la BD, du moins de ce dont je me souviens. Non pas pour juste dire que l'oeuvre d'origine est meilleure, mais plutôt pour comprendre pourquoi le film fonctionne moins bien que la BD.


L'intrigue est globalement similaire pour les deux œuvres, l'auteur du film a pris peu de liberté dans cette adaptation. Je crois qu'il y a des choses un peu plus différentes sur la fin (faudrait que je relise), mais globalement c'est similaire. La grosse différence réside dans la non utilisation d'un narrateur - l'auteur de la BD. C'est dommageable sur un point évident : le titre. "Mon ami Dahmer" marque bien le fait qu'on adopte le point de vue d'une autre personne qui reconstitue les faits d'après ses souvenirs et une petite enquête faite par après (mais l'auteur s'attache surtout à son expérience qu'à des articles de journaux). Le titre paraît donc immédiatement inadapté. D'autant plus que si on retire la voix off, on a l'impression d'adopter le point de vue de Dahmer. Et les choses étant montrées avec certitude (la voix off permettait de relativiser), on a aussi plus l'impression de suivre un scénario écrit après que les auteurs aient fait des recherches plutôt que basé sur une expérience vécue.


Le côté décousu, on le retrouve dans les deux œuvres. Mais ça fonctionne mieux en BD. Parce que dans une BD on peut s'arrêter de lire le bouquin quand on veut, le lecteur n'a pas à subir un rythme imposé par un monteur, il peut même revenir en arrière s'il le désire, afin de mieux lire des pages précédentes. De ce fait, on est toujours plus enclin à pardonner un récit moins bien ficelé en BD (ou dans un roman) qu'en film. Mais cela peut tout de même ennuyer (je me souviens n'avoir pas été totalement conquis par le bouquins à cause de ça). Dans un film, c'est donc pire. C'est là que les auteurs auraient dû se réapproprier le matériau : proposer un objectif à atteindre afin de mieux structurer le récit (par exemple, annoncer le bal de prom' dès le début).


L'intrigue n'est pas pour autant à jeter, on y trouve des passages intéressants, notamment ce regard sur l'adolescence, sujet maintes fois mis en scène dans le cinéma américain ; le fait qu'un de ces rejetons de l'Amérique puisse ici devenir un serial killer ajoute une certaine dimension, marque bien que derrière une adolescence barrée faite de drogues, de blagues, une ombre peut surgir, une fissure. Ce n'est à mon avis pas assez léger : Derf avait réussi à l'être dans sa BD, cela ne faisait alors que renforcer la noirceur du personnage principal et donc renforcer l'inquiétude du lecteur qui en découlait.


Les personnages ne sont pas assez écrits. On sent une tentative d'approfondissement sur la fin, avec les copains qui se demandent si ce qu'ils font avec Dahmer est bien ou non. Ce qui surprend, c'est qu'on fasse passer l'auteur de la BD pour un vrai connard dans le film alors que dans la BD on a un peu plus de sympathie pour lui. Je me demande qui a fait ce choix curieux et s'il y a une signification à cela autre qu'un choix d'écriture. Parce que ce n'est pas un choix inadéquat, c'est même plus intéressant que Dahmer ait un 'ami' comme ça, qui profite un peu de lui ; ça aurait pu aller plus loin, pas trop pour ne pas non plus s'en servir d'un prétexte (comme ce peut être le cas pour les parents).


Il manque des repères temporels. Parfois, le récit est si décousu qu'on se retrouve surpris de voir une évolution parfois très importante. Par exemple entre la séquence où Dahmer hésite à tuer un chien et celle où on retrouve des restes d'animaux, il se passe plein de choses mais on ne voit pas beaucoup l'évolution du personnage et on ne se doute pas trop qu'il puisse arriver à quelque chose d'aussi radical.


La mise en scène est soignée. Pas assez ingénieuse à mon avis mais on trouve quelques idées visuelles sympas (rien de neuf ceci dit). L'on appréciera surtout l'acteur (mais que j'aurais préféré que ce film soit fait 10 ans plus tôt avec Martin Starr dans le rôle) dont le jeu stoïque permet de sourire et donc les délires grimaciers surprennent (je ne le connaissais pas du tout, apparemment, il est surtout musicien et l'image qu'il renvoit ne correspond pas trop au personnage qu'il incarne ici). La musique est assez anecdotique, on ne la remarque pas. Les décors et costumes sont chouettes mais ça fait plus vintage que reconstitution véritable.


Bref, ça se regarde, c'est sympa, parfois touchant, mais c'est décousu et ça ne va pas toujours assez loin.

Fatpooper
6
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le 7 févr. 2019

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Fatpooper

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