Meet the Parents (2000) et Meet the Fockers (2004) fonctionnent en diptyque, tant les deux films de Jay Roach se répondent l’un à l’autre en épousant une structure inversée et en partageant une série de sketchs qui se rejouent à l’identique : le match de volley mute en match de baseball dans le jardin avec, à la clé, un même accident, un parent dispose de dons pour dévoiler les secrets et faire éclater la vérité, le voyage en avion commence mal puis devient idéal, etc.
Ainsi, là où le premier opus adopte la froideur chirurgicale du beau-père Jack, disséquant sa lutte des classes par le biais du calvaire d’un étranger contraint de s’intégrer dans un cercle – en l’occurrence, ledit « cercle de confiance » –, le second épouse l’humanité débridée et chaleureuse de Bernie, sautant de scandale en scandale, multipliant les sujets tabous. Le premier rigidifie Gaylord, le second pose la question de sa dénaturation au contact des Byrnes, puisque le fils éprouve désormais une gêne à voir ses parents vivre librement au point qu’il essaie de les déguiser. Cette tendance au travestissement des siens s’observait déjà chez Pamela qui brossait le portrait d’une famille idéale pour mieux cacher à son petit-ami la paranoïa persécutrice d’un père, le talent et la richesse d’un ancien copain, le mépris et l’hypocrisie d’un milieu.
Roach oppose deux modèles d’éducation et deux modes de vie en les séparant sur le plan symbolique – le chat dont il faut mériter l’affection versus le chien en rut, le serpent dans la cage versus le serpent déchaîné, l’entourage snob versus la famille nombreuse, l’éloge de la victoire versus le plaisir d’avoir simplement participé – et sur le plan géographique : Long Island dans l’État de New York pour les Byrnes, au cœur de la modernité, contre Miami, ses hectares et ses palmiers pour les Fockers. Se dessine alors une cartographie du cœur humain qui décalque l’ancrage topographique : la maison victorienne dans un quartier huppé renvoie à la rigueur militaire de Jack et aux règles d’apparence qui régissent son cercle ; le domaine tropical est à l’image de l’amour brûlant que porte Bernie à son entourage et à l’existence tout entière. Les deux acteurs qui les interprètent, à savoir Robert de Niro et Dustin Hoffmann, trouvent là des rôles en or qu’ils campent avec talent, drôlerie et authenticité.
Voilà deux comédies alertes et intelligentes, mises en scène sans fulgurances ni partis pris artistiques notables, qui choisissent de tout miser sur leurs personnages ainsi que sur le décalage burlesque – dans la mesure où des sujets hauts sont traités avec lourdeurs voire vulgarités. Un diptyque réussi, porté par la partition et les chansons originales de Randy Newman.