Mon dieu qu'Antonelli est belle!
Après quelques jours de vacances, un petit tour au ciné de quartier m'avait tout l'air d'être une bonne idée, histoire de se remettre le ciboulot en place avant la reprise. Et quand je vois un Comencini avec L'Antonelli au programme de l'Utopia, je me dis qu'il faut y aller toute affaire cessante. Je ne regrette pas cette petite escapade malgré la mauvaise qualité de l'image. Sur la gazette du ciné, on y annonçait une copie remastérisée. Peut-être que sur écran traditionnel cela irait, mais sur ce numérique, j'ai cru voir un banal dvd à la compression passable. Mais je fais là la fine bouche, j'ai tout de même passé un agréable moment.
Surtout grâce à l'incroyable beauté de cette Laura Antonelli de rêve, dont le visage fait croire en Dieu. De plus, on reste ébahi par l'opulence de la femme, la grâce, la sensualité que la rondeur de ses courbes semble offrir avec quelle largesse! Mamma mia! Beauté faite chair palpable, pleine. Nos yeux deviennent doigts. Et le cœur s'emballe. Chamade. Foutre dieu, que les vraies femmes sont belles et qu'il est doux le temps où le cinéma livrait à notre imagination une image carnée des femmes! Aujourd'hui actrices comme mannequins semblent enfants plus que femmes, ou bien chétives, malades, la chair n'y est plus, il n'est plus qu'os à suçoter. Triste époque!
Laura Antonelli est l'incarnation de la femme dans toutes ses splendeurs : la lourdeur de ses seins va de pair avec la profondeur de ses yeux bleus. J'ai cru percevoir ici ou là quelques réticences sur le jeu de cette actrice. J'espère avoir mésestimé ces appréciations, parce que je la trouve plutôt douée. C'est un rôle pas facile. Son regard dit l'incandescence de son désir comme la plus grande fragilité. Son personnage est fort complexe, tiraillé par ce que la religion et la société lui dictent et ce que la nature lui impose. Des contraires impossibles à concilier. C'est toute l'histoire de ce film, ce grand fossé entre corps et morale. Elle joue vraiment bien cet atroce dilemme quotidien, ces contradictions artificielles qui ont très longtemps enfermé les sociétés. De nos jours, ces histoires peuvent paraitre très lointaines, du moins dans certaines parties du monde occidental. D'ailleurs je me demande si ce film n'a pas à souffrir d'être déjà démodé en 1974. On a vu de nombreuses autres productions italiennes sur le même thème montrant comment la société pouvait avoir été cadenassée par des siècles de tradition mortifère, notamment en prenant la Sicile ou le sud de la péninsule pour cadre. Et cela bien longtemps avant ce film. La comédie italienne dans son ensemble s'est déjà largement nourrie de la confrontation des mentalités archaïques à la nature humaine ou/et à la modernité croissante.
Mai si le propos n'est pas neuf, il est traité avec assez de finesse par Luigi Comencini pour qu'un spectacle réjouissant en jaillisse. C'est drôle d'intensité souriante. On ne se pisse pas dessus de rire, les situations sont attendues, mais les acteurs sont plutôt bons, investis et le coquasse l'emporte.
Jean Rochefort fait une petite apparition, remarquable, gentiment guindé et coquin à la fois. Michele Placido tout jeune offre une composition prolétarienne efficace pour faire craquer l'aristocrate Antonelli. Celui qui joue l'époux Alberto Lionello est très bon dans l'exaltation du génie littéraire de Gabriele d'Annunzio, puis dans l'élan patriotique aux relents fascistes.
Ce qui plait le plus peut-être c'est la force avec laquelle le scénario pourfend les idées reçues et ose même aborder l'interdit et donc la complexité de la machine humaine avec ses rouages tordus par vice et vertu. Si ce n'est pas un grand film, il est cependant un très bel objet, filmé avec soin, grâce surtout à la plastique gourmande et le jeu ardent de la belle Antonelli.