Un contraste des sociétés d'après-guerre sous une bande sonore crispante

Tati est la fine fleur de tout cinéphile qui se respecte. Je ne me targue pas de cette appellation, aussi était-il temps que je rattrape mon retard et visionne ce film qui a été plébiscité par le jury à Cannes l'année de sa sortie, ainsi que dans plus d'une dizaine d'autres festivals de l'époque.


Le film a été réalisé en plein pendant la nouvelle vague. Pendant que les Godard, Truffaut, Chabrol et autre Rivette dépeignaient avec un certain vague à l'âme la société française d'après-guerre, Tati fait ici le même travail, mais sous une forme beaucoup plus burlesque. Il oppose la société "de papa" de l'époque (la carriole, les gavroches, la baguette sous l'bras) à l'industrialisation post-45 et à cette aspiration à la modernité. Modernité du reste dépeinte avec beaucoup de fantaisie, qui n'est pas sans me rappeler celle de la série The Prisoner, même si cette dernière est sortie 10 ans plus tard : des gadgets un peu inutiles, des personnages aux comportements loufoques en inadéquation avec la réalité de leur temps et une vision un peu naïve du "design du futur" dont, forcément, aujourd'hui on rigole.


Le film en lui-même regorge de symboles, on retiendra particulièrement la scène de la maison aux vitres circulaires derrières lesquelles les têtes des habitants, telles des pupilles, "suivent" Monsieur Hulot dans le jardin. Et, en opposition encore une fois, la maison de Monsieur Hulot même, sorte de cabane urbaine (sic) qui ne peut pas laisser sans émotion.


Tati a fait un choix technique qui a probablement ses raisons : toute la bande son du film est post-synchronisée. Que ce soit les bruits affreux des chaussures des dames sur le pavé ou le parquet, le bruit des chaises métalliques ou les voix surjouées ... j'ai vraiment du mal. Je me doute que, il y a 60 ans, il fallait faire des choix et que celui-ci a toutes ses raisons, et aujourd'hui, je peux accepter beaucoup de choses mais ça, c'est difficile. Surtout qu'on ne s'embarrasse surtout pas de tout bruiter. La chaise métallique fait un bruit infâme de pot en métal déposé sur une plaque, mais la chaise en bois ne fait pas un bruit. Je suppose que ça aussi, peut avoir une signification dans le film, mais j'ai du mal à l'intégrer et à m'immiscer dans l'oeuvre à cause de ce choix.


Les acteurs sont ... très théâtraux. Bien sûr le jeu des années '50 avait cette saveur, et en vérité plutôt que de vouloir se la jouer réaliste et se retrouver un peu rapidement en décalage quelques années plus tard, le pas a été fait ici de se la faire complètement déjantée, et finalement une fois qu'on l'accepte c'est assez cohérent.


Monsieur Hulot , l'Oncle en question, joué par Tati lui-même, fait inévitablement penser à des comiques tels que Mister Bean (Rowan Atkinson a reconnu du reste l'influence de Monsieur Hulot sur son personnage), un peu gauches et pratiquement muets, très visuels en vérité.


Si je ne peux pas dire que je me suis écroulé de rire, mon sentiment global a été partagé entre d'une part, le plaisir de l'observation des contrastes de société dépeints vivement dans l'oeuvre et de l'autre, l'horreur (à mes oreilles) de la bande son.


Mon Oncle n'en reste pas moins un film "à voir", qui fait partie importante et intégrante de l'histoire du cinéma.

Zebix
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le 14 janv. 2017

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Ze Bix

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