Oui on est d'accord, le parallèle avec l'oeuvre de Shakespeare est clair. Et cet auteur va nous suivre tout au long du film, jusqu'à même une référence directe du héros (Marwan) qui prétend le lire comme alibi.
Les Capulet sont des gangsters blacks du quartier Matongé de Bruxelles, et les Montaigu des pillards de Molenbeek. Le portrait des "familles" est brossé violemment, c'est d'ailleurs un thème qui ne va pas nous quitter. Oui on s'en doute, il y aura de l'amour, mais ça va tabasser, casser et saigner dru. Préparez-vous à quelques scènes difficiles.
On est en présence d'un vrai gansta-movie, avec des bad guys comme il se doit, et des victimes empêtrées dans le cercle vicieux de la violence qui aimeraient bien s'en sortir.
On l'aura compris, ni le thème ni même la construction du film ne laissait présager une originalité folle - et pourtant.
Tout d'abord, le film se passe quasi intégralement à Bruxelles. En tant qu'habitant de cette ville, on réalise que toutes les scènes sont tournées à des endroits "réalistes", les quartiers sont (quasi) toujours les vrais quartiers, on retrouve les stations de métro, les gares, et la ville en général.
Bien sûr, dépeinte dans ses côtés les plus obscurs, on n'aura (malheureusement) pas de scène à Uccle ou Woluwé ! :)
Ensuite, les deux jeunes réalisateurs, Adil El Arbi (28 ans) et Bilall Fallah (30 ans), sont tous deux belges néerlandophones. Ils ont pourtant choisi de tourner leur film majoritairement en français, pour des raisons de "réalisme" d'après ce que j'ai pu entendre dans une interview à la radio lors de la sortie en salle. Il y aura quelques phrases éparses en néerlandais -le héros ne voulant pas "être un flamand comme son père"- et en langues africaines, mais on est bien dans du gansta-movie bruxellois qui se veut fidèle à la réalité, c'est-à-dire que les précaires parlent leur idiome d'origine mais surtout le français de la rue.
Les deux jeunes acteurs principaux, Martha Canga Antonio (21 ans) et Aboubakr Bensaihi (20-21 ans) sont extrêmement convaincants, en particulier la première. Ils ont grandi dans une pratique artistique, mais rien ne laissait présager une telle performance, et ils assurent grave. L'air juste sans être exagéré (et dans les films gangster de jeune, on peut vite y arriver), ces deux-là ne cabotinent pas pour un sou et je leur pressens un futur à suivre dans le milieu.
Le ton est vrai, la construction est fluide et ... la bande son est vraiment plaisante. On évitera les écueils de chansons de rap qui durent la moitié du film; on en aura bien sûr, mais aux bons moments, et de manière admirablement dosée.
Une différence majeure cependant avec l'oeuvre de Shakespeare : il n'y aura pas de réconciliation familiale et le constat ne sera pas très heureux. N'espérez pas de positif, la société va mal, la jeunesse est sacrifiée...
Vive le cinéma belge, il en faut plus comme cela.
Black est, sans mauvais jeu de mot, un film très noir.