Mon petit doigt m'a dit... par Gérard Rocher La Fête de l'Art

C'est dans une demeure très cossue dominant le Lac du Bourget que vivent Prudence et Bélistaire Beresford. Le couple mène une existence plutôt calme et discrète. Il faut dire que tous deux travaillaient pour les Services Spéciaux et Secrets d'Etat et si Bélistaire occupe encore des fonctions de "semi-retraite", Prudence est carrément retirée du métier et, de ce fait, trouve le temps un peu long. Toutefois un mystère va tomber à point nommé pour elle et tromper la monotonie de sa vie lors de la visite du couple à la tante Ada, pensionnaire d'une maison de retraite. Prudence va lier la conversation avec une vieille dame quelque peu «tourmentée», Rose Evangelista. Celle-ci va lui parler de la disparition d'un enfant derrière une cheminée de l'établissement. Pour corser l'histoire Bélistaire et Prudence veulent restituer un tableau qui fut offert par cette femme à la tante Ada avant que celle-ci ne décède, mais ... Madame Rose Evangelista a disparu. Prudence, avide de sensations fortes et d'affaires mystérieuses, va entraîner Bélistaire dans une enquête aux allures aussi rocambolesques qu'inquiétantes pour retrouver cette fameuse Rose Evangelista ...


Personne ne peut plus tourner en rond entre quatre murs que cette chère Prudence qui rumine depuis sa retraite des Services Secrets. Son seul "pôle" d'intérêt est son époux Bélistaire qui a gardé quelques activités dans cette branche. Elle ne songe qu'à des affaires aux destins tragiques qu'elle décortique avec avidité. Elle est d'un naturel curieux et soupçonneux, ne supportant pas grand monde, préférant rester cloîtrée dans son univers. Même ses enfants et petits enfants ne trouvent pas grâce à ses yeux. La tante Ada qui finit ses jours en maison de retraite ne manque pas de le faire bien sentir à cette atypique Prudence qu'elle déteste de toute son âme. Toutefois, c'est justement en allant rendre visite à cette vieille dame que Prudence avec un flair acéré va porter un intérêt particulier aux propos quelque peu scabreux de Madame Rose Evangelista. Elle va lui raconter qu'un enfant serait emmuré derrière une cheminée de l'une des salles de la maison de retraite. Cette affaire prend une allure inattendue au décès de la tante lorsque les Beresford veulent rendre le fameux tableau à Rose Evangelista et constatent que celle-ci a mystérieusement disparu. Sur cette toile figure une maison et cela va aiguiser un peu plus la curiosité de Prudence laquelle va user de tous les stratagèmes pour retrouver la bâtisse et s'introduire dans les lieux afin de commencer une enquête pleine de risques à en juger par l'attitude des habitants de cette demeure et des environs. Là Prudence est-elle la bienvenue? Rien n'est moins sûr. Puis Bélistaire, en retrait par rapport au volontarisme effréné de sa femme, va se trouver mêlé à cette histoire dans laquelle chaque personnage paraît un suspect en puissance et bien entendu Madame Evangelista avec son lourd secret demeure toujours introuvable! Les villageois et les occupants de ce lieu troublant feront-ils quelques révélations sur cette fameuse cheminée? Prudence d'une inébranlable ténacité fait fi de tous les dangers pour atteindre son but. Malgré les menaces qui semblent déferler sur elle, les yeux de notre "détective" pétillent du plaisir de retrouver les charmes de son ancien métier, tandis que son époux semble, lui aussi, se prendre au jeu.


Ce film est le premier volet que le réalisateur Pascal Thomas consacre à l'œuvre d ' Agatha Christie. En 2008 il nous offrira une nouvelle aventure avec "Le crime est notre affaire" Ici le réalisateurl nous dépeint au travers d'un couple de détectives plutôt rocambolesques une affaire aux multiples rebondissements. Ce film se regarde avec un plaisir certain. Il se regarde avec d'autant plus de plaisir que l'intrigue d'une folle originalité est tournée dans un cadre d'une grande beauté. Nous faisons également connaissance avec une sacrée galerie de personnages complètement atypiques à tel point qu'ils soulèvent toutes nos interrogations sur leurs éventuelles culpabilités dans cette ténébreuse affaire. Il faut donc féliciter Pascal Thomas pour ce climat trouble fort bien exploité grâce à une très bonne direction d'acteurs chevronnés. On ne présente plus Catherine Frot, ici plus surprenante que jamais dans sa situation de femme retirée des affaires par la force des choses. Elle est omniprésente, tantôt révoltante, tantôt attachante, bref, elle nous fait une belle démonstration de son talent. André Dussollier est le complément idéal de cette femme hyper stressée. Il subit ses caprices, ses hallucinations et décisions intempestives. Son interprétation est sobre et d'une parfaite justesse. C'est en 1966 dans "Le Roi de cœur" de Philippe de Brocca que j'avais eu le bonheur de découvrir la magnifique Geneviève Bujold. Ici, nous la retrouvons avec émotion et beaucoup de plaisir dans le personnage de Rose Evangelista au travers duquel elle fait preuve de son talent habituel. La qualité des acteurs secondaires n'est pas en manque dans cette oœuvre dans laquelle on remarque la présence de Laurent Terzieff interprétant l'énigmatique Maître Anet, de Valérie Kaprisky dans la troublante Mlle Blayes et de Françoise Seigner qui nous dépeint la tante Ada en "Tatie Danièle». Mention particulière également à Alexandra Stewart et à Bernard Verley. Toutefois cette prestigieuse distribution ne s'arrête pas là et vous aurez plaisir à découvrir au détour de cette aventure d'autres noms célèbres interprétant des suspects en puissance, tous aussi pittoresques les uns que les autres.


Voici donc un très bon moment de cinéma qui nous replonge dans l'univers si particulier et inquiétant d 'Agatha Christie. Le plaisir est d'autant plus grand que Pascal Thomas qui nous a habitué à d'excellentes choses depuis le début de sa carrière de metteur en scène a réalisé là aussi une fort belle adaptation de ce roman.

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le 1 avr. 2013

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