Monkey Man
6.4
Monkey Man

Film de Dev Patel (2024)

Dev Patel a un énorme capital sympathie à mes yeux, l’ayant découvert dans Skins, série dont j’avais l’âge des protagonistes à l’époque et qui m’a beaucoup marqué. Sa carrière est assez étonnante, et est sans doute celle qui a le plus décollé du cast d'ados (Nicholas Hoult à part, qui a une carrière toute aussi hétéroclite), enchaînant grosses productions nanardesques (The Last Airbender), succès commerciaux sympathiques (Slumdog Millionaire, Lion), et projets atypiques ambitieux (The Green Knight). Une carrière en dent de scie, mais plutôt par la qualité des films en eux-mêmes que par la prestation de l’acteur, dont le regard et la physicalité communiquent toujours une conscience de l’industrie dans laquelle il évolue. C’est donc avec cette perception, totalement subjective évidemment, que j’ai approché cette première tentative derrière la caméra pour le jeune british hindou.


D’emblée, avant même d’avoir vu le film, il paraît évident de tomber dans la comparaison avec John Wick. Monkey Man essaye de balayer la référence à son modèle par une citation directe au début du film, mais finit, à priori consciemment, par se calquer dessus dans sa seconde partie. Mais là où la saga de Chad Stahelski délivre un festival d’action chorégraphiée au millimètre près dans un univers porté par une mythologie propre, elle reste globalement assez froide dans sa tonalité. Monkey Man est formellement moins maîtrisé, mais également bien plus incarné, malgré certaines maladresses qui lui sont préjudiciables.


Le premier film de Dev Patel, aussi au scénario et à la production, choisit d’ancrer son action à Yutana, interprétation fictive de Mumbai, signifiant “purgatoire” en sanskrit. La ville y est dépeinte comme un nid de misère, où se côtoient réseaux de prostitution pédophiles, combats clandestins, haine des minorités et autres marchés noirs à portée de main. Pourrie jusqu’à l’os, la cité est rendue claustrophobique par une caméra très proche de ses acteurs, et une véritable ambiance toute de crasse et de néons prend forme. Cette caméra à l’épaule sera d’ailleurs significative dans la première moitié du récit, les scènes d’action lorgnant du côté hyper mobile des Jason Bourne, tressautant ça et là, et en belle représentation du caractère peu assuré de notre héros (Bobby, paraît-il), réagissant plus à l’émotion qu’avec une logique implacable de tueur. Et lorsqu’il monte les étages de l’hôtel dans lequel il travaille, comme autant de strates sociales, de cercles de l’enfer, et de niveaux de jeux vidéo, la tension monte avec lui. On sait qu’il n’est pas près à abattre sa cible (et que le film dure deux heures), on attend donc de voir la chute.


Car Monkey Man, derrière ses accoutrements de panthéon hindou et de slums indiens, c’est avant tout une histoire de vengeance bête et méchante qui aurait gagné à ne pas être aussi explicitée. Toute la section centrale vient en effet dérouler dans leur entièreté les événements que le spectateur a déjà aperçu dans les nombreux et brefs flashbacks qui peuplent la première partie, et qui se suffisaient à eux-mêmes. On est pas là pour être surpris, tant le récit est simpliste (pas une tare en soi), et cette surexposition des enjeux ne fait que créer un ventre mou et rendre les antagonistes plus clichés. On a tout de même le droit à une séquence de training montage très sympathique dans son classicisme, avant de débouler sur une deuxième partie en pur ersatz des aventures du mec qui a perdu son chien. Mais avec moins de mordant dans les visuels.


Pourtant, malgré les errements du scénario et une forme sans génie, je pense préférer la castagne alla Dev Patel que leur version Keanu Reeves. Il y a plus d’âme, plus d’exotisme, et un fond de message social qui, bien que peu subtil, ajoute de la substance à l’ensemble. De ce grand méchant gourou à cette charge contre le traditionalisme autoritaire, Monkey Man se créé une identité, foutraque, mais singulière. Un premier essai largement perfectible, mais assez enthousiasmant pour souhaiter revoir Dev Patel aux commandes d’un film. Et un dernier point pour la bande-son : quant tu entames sur un JID bien nerveux et que tu enchaînes sur tout un tas de morceaux qui donnent envie de dégainer le Shazam, je suis preneur.

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le 30 avr. 2024

Critique lue 25 fois

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Frakkazak

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