Aznavour est le point de gravité du film. Narrativement, car on suit seulement et tout son parcours. Cinématographiquement, car la caméra est attirée au visage de Tahar Rahim, bluffant de correspondance. Le film est construit comme un système solaire dont Tahar Rahim multipliant les tics et les tocs est le soleil, le centre de toutes les images qui n'existent que par sa présence ou son regard. Dans cette voie lactée, les planètes sont les célébrités qui ont été attirées dans son emprise. On assiste à un des concours de sosies les plus minables qui m'aie été donné de voir quand passe un à un, Edith Piaf, Charles Trenet, François Truffaut, Gilbert Bécaud, Johnny Hallyday, dont chaque apparition sera accompagnée d'une voix d'un figurant gueulant leur nom au cas où le sosie ne serait pas assez reconnaissable. Outre le cabotinage outrancier de tous les acteurs, il n'existe que par leur relation avec leur soleil, jouant les satellites de la carrière du soleil Aznavour. Et le soleil a faim. Tout y passe. Son ami de chant, sa femme, son gosse et l'Arménie rien n'ai assez indigeste pour ce Gargantua. Le monde n'est qu'un second plan pris en otage par la grosse tête de son kidnappeur. La mise en scène est classique et englobante. L'outil parfait pour ce soleil avide étant le traveling circulaire, la caméra elle-même étant contrainte par la lourdeur de Tahar Rahim. On assiste ainsi aux apartés musicaux comme pris dans un manège de foire tournoyant forcé de subir le poids de son acteur qui réclame un César. Par moments, on imagine que ce rouage va se désaxer quand on ne voit plus Aznavour qui chante, mais un travesti seul dans le plan qui a place d'exister. Mais ce plan va être directement approprié par le monstrueux Aznavour, resté aux affût pour volé la vie de ce personnage pour capitaliser dessus et en faire une chanson. Le personnage de travesti est retourné à sa place de misérable astéroïde que la caméra a filmé seulement pour mieux le voir se faire aspirer, carboniser par la gigantesque étoile Aznavour. Et il sera contraint de voir sa vie, chantée par un autre, à travers une petite télévision cathodique de son étroit cabaret miteux. Car rien n'arrête un soleil enragé et surtout pas la mort d'un fils, dans l'Eglise pendant la messe, on voit dans un coin le portait du jeune fils suicidé et en gros plan prêt à tout pour aspirer la lumière, encore une fois Tahar Rahim, fier Chronos dévorant le moment de son jeune fils décédé. Le personnage du fils n'est rien. D'ailleurs ce n'est même pas un personnage, mais une condition narrative pour voir l'acteur qui n'avait pas assez des chants, il a besoin de ces scènes tragiques et larmoyantes.


Je conseille à tout les pisse-froid qui n'ont pas aimé Maestro de Bradley Cooper de le comparer à ce Monsieur Aznavour afin de réaliser la différence entre un biopic musicale qui s'intéresse aux regards du monde (notamment de sa femme délaissée) et un film égocentrique qui se félicite de son appétit morbide.

Hurakan
2
Écrit par

Créée

le 23 oct. 2024

Critique lue 185 fois

Hurakan

Écrit par

Critique lue 185 fois

D'autres avis sur Monsieur Aznavour

Monsieur Aznavour
Clmovies
8

Le grand Charles

Quel hommage.J'ai depuis 2 ans plus de 20 ans, et pourtant Charles Aznavour ne m'était avant que le film commence que très peu familier (j'ai d'ailleurs hâte de lire les avis de ses fans...

le 7 sept. 2024

30 j'aime

1

Monsieur Aznavour
Azur-Uno
8

Je m'voyais déjà...

Pré-choisis par le grand Charles lui-même juste avant sa disparition en 2018, les co-réalisateurs Mehdi Idir et Grand Corps Malade (qui a chanté avec Aznavour) nous offrent aujourd'hui ce très beau...

le 25 oct. 2024

22 j'aime

4

Monsieur Aznavour
KingRabbit
3

On va filmer la vie d'Aznavour comme un film de Scorsese. Wesh.

L'intro est horrible, on a tous les poncifs du biopic académique gentillet et pseudo chiadé.On enchaîne une bonne demi heure dans une sorte de buddy movie plutôt sympatoche (sans être révolutionnaire...

le 1 août 2024

18 j'aime

5

Du même critique

Mank
Hurakan
4

Un film à mi-hauteur

Fincher fait toujours parler de ses films par leur forme méticuleusement travaillé et ses plans mis en scène au millimètre près. Il est indéniable que ce film intrigue de part sa filmographie. L'une...

le 4 déc. 2020

24 j'aime

2

Validé
Hurakan
7

Apash est validé

Faisant partie d'une des premières séries sur le rap français, elle montre l'ascension presque banale d'un rappeur. Elle le fait bien aucun souci, même s'il n'y a aucun génie non plus. Par contre, on...

le 26 mars 2020

17 j'aime

7 Kogustaki Mucize
Hurakan
7

Memo le maudit

Mais quel est donc ce film turc dramatique qui fait craquer tout le monde, qui arrive à être top 1 France sur Netflix ? Il ne s'agit pourtant pas d'une grosse production américaine, ni d'un film à...

le 31 mars 2020

6 j'aime

1