Delon après Monsieur Klein, n'est plus que l'ombre de lui-même, c'est triste à dire mais il faut reconnaître que sa carrière n'a plus été la même. Delon se sent abandonné et va passer une grande partie de ce qui lui reste de carrière à satisfaire son public, à le brosser dans le sens du poil. Mais Mr Klein, c'est autre chose, c'est la quintessence de tout ce qui fait de Delon un acteur immense, qui tient le film quasi à lui seul. C'est sans doute une de ses, si ce n'est sa meilleure performance. Ce rôle d'un homme, méprisant, méprisable qui va s'élever en recherchant l'autre, le double, ce rôle qui dénonce frontalement la France de Vichy, l'antisémitisme avec plusieurs séquences marquantes, éprouvantes, notamment l'introduction et la scène de cabaret.
Delon traverse des décors fantômatiques et anxiogènes à la recherche de son double, un autre Monsieur Klein, de confession juive et qui essaye de se fondre en son homonyme. Le film reprend la forme du film policier avant de glisser peu à peu vers autre chose, quelque chose qui à l'époque, n'était pas le terrain connu des spectateurs, car Monsieur Klein nous invite à nous regarder en face, à dénoncer l'atrocité de cette période trouble. Monsieur Klein, français aisé, se voit peu à peu vidé de son essence, de ses biens, de son identité, va être obsédé par sa recherche de l'autre Klein, qu'il ne confrontera jamais, comme si on nous invitait à douter de son existence même. C'est en cela que Monsieur Klein est fascinant et nécessaire. C'est un travail de mémoire, de conscience, sur la matière humaine, l'ignominie. Voir ce personnage méprisable évoluer dans un monde inhumain, à la recherche d'une vérité, qui ne sera jamais vraiment montrée, démontreé, voir au passage ce portrait peu flatteur de la France occupée, nous renverse, on ne ressort pas indifférent de ce film puissant, complexe, sans doute le dernier chef d'oeuvre de Delon.