Hiver 1942, le marchand d'art Robert Klein (Alain Delon) achète sans scrupule à bas prix des objets à des juifs qui cherchent à fuir la France. En prenant congé , il découvre dans son courrier un exemplaire du journal "Informations juives" . Il comprend rapidement qu'un autre Robert Klein habite dans cette ville et qu'il est juif....
Au départ ce projet était de Costa Gavras qui avait d'ailleurs écrit le premier scénario qui servira de base pour ce film. Jean-Paul Belmondo devait jouer dedans mais il était blessé et un conflit entre producteurs a enterré cette version. Delon a entendu parler de ce scénario et tient à le produire. Costa Gavras refusant de mettre en scène ce long métrage par fidélité à Belmondo, il le propose à Joseph Losey avec qui il avait tourné "L'assassinat de Trotsky" . Il accepte et retravaille le scénario pour s'approprier l'histoire.
Losey fait de ce drame un thriller kafkaïen . J'ai pensé notamment au "procès" réalisé par Orson Welles. Hasard ou pas, le personnage principal était appelé "K" qui est la première lettre de "Klein". Et puis comme dans "Le procès" , Le personnage se trouve peu à peu pris dans un piège...
Et voir un homme qui recherche son double rappelle "La mort aux trousses" d' Alfred Hitchcock où Cary Grant était pris pour quelqu'un d'autre. La différence est que chez Hitchcock , l'humour était présent.
Dès le début du film, le spectateur est sous le choc en voyant la scène se passant dans un hôpital avec une femme nue d'un certain âge passant une humiliante visite médicale pour voir si elle est juive ou pas.... La scène est d'un réalisme qui fait froid dans le dos....
Pour jouer dans ce film au sujet choc, Losey et Delon engagent une incroyable distribution: Jeanne Moreau, Michel Aumont, Jean Bouise (en une scène ,il montre son incroyable talent), Suzanne Flon (étonnante dans un rôle pas vraiment sympathique...), Michael Lonsdale (excellent) ou encore le débutant Gérard Jugnot.
Autour de ce beau monde, Alain Delon signe une de ses plus grandes performances. On le voit passer de l'homme arrogant à celui d'homme fragilisé avec une étonnante subtilité si bien que le spectateur finit par avoir de la sympathie pour lui .
La mise en scène de Losey est grandiose . Outre la scène du début , on notera notamment une séquence avec un spectacle antisémite ou le final...
"Monsieur Klein", malgré des critiques dithyrambiques qui lui vaudront le césar du meilleur film et réalisateur, sera un échec commercial. C'est sans doute pour cela que Delon ne fera quasiment plus que des films commerciaux , essentiellement des polars, par la suite (exception faite de "Notre histoire" de Bertrand Blier). C'est sans doute le dernier chef d'oeuvre tourné par Delon (je précise chef d'oeuvre car il tournera certains bons films comme "Mort d'un pourri"). Un film à voir au moins une fois dans sa vie.