Je mentirais si je disais que je ne l'avais pas au moins un peu senti venir : la bande-annonce m'avait mis sur mes gardes, par son ton provoc' un peu forcé et son rythme effréné, mais enfin il se trouve que j'ai une affection sincère pour Nicolas Bedos dont les chroniques télé (particulièrement ses premières, chez FOG) me faisaient beaucoup rire. Alors j'y suis allé quand même, pour soutenir cet projet qui semble lui avoir demandé beaucoup de temps et d'énergie, et que je l'ai vu défendre avec sa verve habituelle dans les médias.


Que s'est-il passé exactement, pour que ce film se voulant une fresque traversant le temps pour traiter des sujets aussi passionnants que l'érosion du sentiment amoureux, le travail de création ou la déception parentale, m'ait donné l'impression d'une vaste supercherie agaçante, survoltée parce que vide, médiocre parce que superficielle, coquille vide et non propos sincère ?


Je crois que le principal problème réside dans le fait que le film refuse de traiter réellement aucune des thématiques qu'il aborde. Plusieurs fois il m'a semblé que l'idée ayant donné lieu à une scène ou un chapitre était bonne, mais que Bedos et Tillier ont pensé que sa simple énonciation suffisait à en faire un enjeu. Or, ce n'est absolument pas le cas, au contraire. À mesure que le film avance, l'exaspération croît alors qu'on le voit se transformer en une liste géante, où les passages, du poncif mille fois vu à l'idée vraiment intéressante, sont cochés et pas du tout explorés. À ce titre, la structure du film est révélatrice : les deux heures du long-métrage sont découpées en quatorze chapitres et un épilogue, soit même pas dix minutes par chapitre.


Ainsi nous voilà lancés dans ce qui ressemble à une course, je pense liée à la peur du réalisateur de perdre l'intérêt du public s'il lui arrivait de s’appesantir sur une situation, qui est vraiment fatigante à la longue. La réalisation est souvent frénétique, emportée dans des mouvements de caméra qui rendent l'action illisible et annulent toute possibilité d'empathie. Ce tourbillon d'époques, de lieux, de personnages m'a empêché de m'attacher au film, me donnant l'impression d'être dans un manège franchement lassant passé vingt minutes de film. Conséquence : l'ensemble manque cruellement du souffle qu'aurait supposé sa narration étendue sur une vie. Tout semble éphémère, une émotion destinée à être immédiatement remplacée par une autre. T'es touché ? Attends, attends, je vais te faire rire, mais surtout pas trop longtemps !


L’œuvre m'avait attiré grâce aux thématiques qu'elle promettait d'aborder, au premier rang desquelles le processus créatif, l'impact de l'altérité sur lui, et ses soubresauts au cours d'une vie. En réalité il n'est pas vraiment question de ça, où alors avec de grosses ficelles, un peu comme dans La La Land, à base d'inspiration géniale ou au contraire de moments de creux dont il ne sera jamais question d'explorer les causes profondes, car elles sont toutes résumées en une : l'amour. Je ne nie pas cette possibilité, mais alors j'aurais aimé que le film me l'explique, où plutôt me le montre vraiment, sans passer par des phrases ronflantes mais vides de sens.


Restent des acteurs talentueux qui s'impliquent réellement, mais qui ne peuvent pas grand chose dans le cadre d'un scénario simpliste et d'une forme asséchante. Surnagent aussi, ici et là, quelques répliques drôles, et des idées dont j'ai admiré l'originalité en même temps que je regrettais leur exécution extrêmement maladroite. À ma grande surprise le film est plusieurs fois rendu assez laid par ses effets de manche incessants, alternant entre le banal et le vulgaire.


Quelque chose ne s'est pas passé entre le film et moi, et je pense pouvoir dire que la responsabilité lui en revient d'abord. J'ai senti les trop nombreuses intentions de Nicolas Bedos et Doria Tillier, leur implication aussi, mais le résultat est bien trop superficiel, agaçant même, pour m'emporter. C'est à mon sens un échec créatif, dont le mérite est, du fait de sa sincérité, d'être aussi instructif qu'une grande réussite.

Larsen
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le 17 mars 2017

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Larsen

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