En 1936, Shimizu qui a déjà plus de cent long-métrages à son actif est ce qu’il convient d’appeler un vétéran du 7e Art. Cette histoire tirée d’une nouvelle de Yasunari Kawabata, met en scène un chauffeur d’autocar fort sympathique et très poli surnommé « Monsieur Merci » par ses passagers parce qu’il remercie tous les usagers qui lui laissent la priorité sur la petite route de montagne qu'il parcourt au quotidien.


De prime abord un peu simplette, elle nous confronte à certains sujets délicats que n’auraient pas reniés après lui les néoréalistes italiens et d'ailleurs.


La Grande Dépression, qui frappe alors de plein fouet le Japon, est omniprésente et pèse tout au long du trajet, à travers ces migrants qu’on croise sur les routes et reviennent au pays après avoir connu le chômage dans les grandes villes, ou par cette mère qui prend le car pour vendre sa fille de 16 ans à un bordel de Tokyo.


Dans un registre tout aussi courageux pour l’époque, on croise les forçats de la route, en l’occurrence des Coréens ramenés de l’Empire, qui vont de montagne en montagne bâtir ces tunnels et ces routes qui permettront le désenclavement et la modernisation de l’archipel nippon -- ici la péninsule d'Izu, au sud de Tokyo.


Il convient de préciser que la veille de la sortie de son Monsieur Merci, le Japon alors en pleine expansion impérialiste est sous le choc d’un coup d’état militaire. Dans un pays qui a vu naître une faction ultra-nationaliste au sein de son organe militaire, le message est d'autant plus fort que le ton de l'auteur est toujours léger et divertissant, offrant quelques scènes cocasses et savoureuses.


Autre point positif, le film est entièrement tourné en décors naturels, Ken Uehara a même dû apprendre à conduire un autocar pour donner du corps à son rôle, autocar qui a failli terminer au fond d'un ravin pour l'anecdote...


A noter que que les deux actrices principales du film connaîtront un destin tragique : la femme "arrogante" interprétée par Michiko Kuwano, élément fort du film, décédera jeune, à l’âge de 31 ans ; la jeune fille qui se dirige vers le bordel, décédera quant à elle un an après la sortie du film, à 17 ans seulement.


Verdict : 7/10 pour la qualité de l’œuvre très largement perfectible, la direction des acteurs qui n’était pas le point fort de Shimizu, et la musique de fond quasi continue qui gâche aussi l’ambiance du film.

Par contre c’est un véritable coup de cœur et un film qui donne tellement envie de découvrir son auteur.

Yushima
8
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le 7 juin 2023

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Yushima

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