Un titre aussi menteur que justifié.

Vu il y a de ça deux semaines maintenant, j'avais failli à l'époque (j'en ai encore bonne souvenance) écrire un truc sur ce film dès la fin du générique. J'étais même venu là, ici, sur cet encadré, comme d'hab, prêt à écrire ma pensée sur le film comme ça vient. Et puis non. Non parce-que j'étais incapable de dire si c'était une énorme déception ou un véritable coup de coeur. Alors je suis revenu là, dans cet encadré prévu à cet effet, et je tape des mots comme pour tenter d'en dire mon impression (la je gagne du temps, c'est comme ça que l'inspiration vient, toutafé) parce que j'ai vraiment envie de donner mon avis sur ce truc qui dans son haut numéro de funambule s'est bien amusé avec mon estime pour me faire pencher entre le "à oublier" ou le "petite perle de découverte". Et j'ai bien l'impression que j'aime ce film, qui est purement "beau" et "touchant". (je vous emmerde vous savez, j'utilise les mots niais et surfaits que je veux)

Alors déjà il est important de replacer le contexte dans lequel j'ai vu ce film. Gareth Edwards pour moi c'est le gars qui va réaliser un nouvel opus de Godzilla pour 2014. Et c'est cette nouvelle qui m'a fait m'intéresser à ce nom, qui lui même m'a propulsé devant cette filmo arborant fièrement ce titre si chantant de "Monsters". Et là, mon esprit de déduction d'une perspicacité sans égale m'a murmuré "Hey, ce gars totalement inconnu jusqu'à lors a fait un film de monstres déjà, il serait bien possible que ce soit ce film qui l'ait révélé aux producteurs, qui, enthousiasmés, l'auraient chargé d'une franchise aussi lourde que Godzilla !". L'envie d'écouter mon esprit de déduction n'avait pas été si forte depuis bien longtemps, d'autant plus qu'il argumentait sec le bougre "Hey, surtout qu'il y a l'affront "Roland Emmerich" à laver sur le gros lézard japonais tu vois, donc ça se trouve, son film là, Monsters, il déchire grave hé". C'était décidé, il me fallait ce film. Bordel. Un film de monstre que je n'avais pas vu par un réal que je ne connaissais pas. Et pourtant moi, les films de monstre j'aime bien ça. J'adore même. Je les traque, de quelque époque qu'ils soient, désespérant bien souvent à en trouver un nouveau qui ne soit pas cantonné à de la bouffe dégueulasse minable premier choix pour Syfy, dont je l'avoue, je me contente au final bien souvent.

Bref. Voilà dans quel esprit enthousiaste j'étais en insérant le dvd dans mon ordi. J'allais enfin trouver un bon film de gros monstre géant destructeur et m'en prendre plein la tronche avec des trucs improbables, des explosions, une ville ravagée, une grosse gueule avec des dents partout et des grosses papattes garnies de griffes acérées, le tout ponctué de hurlements stridents et de foules en panique. ROAR Time.

Et... et voilà que je me retrouve parti pour une sorte de road trip pseudo sentimental traînant en longueur entre deux personnages liés par le destin.

Le voilà ce "Monsters" qui prend soudain un gout d'énorme foutage de gueule au titre racoleur.
C'est le genre de moment ou tu vois, t'as juste envie de t'avachir au fond de ton canap' et de railler d'un profond sarcasme "ah ouais, Monsters, c'est un film de monstres qui s'appelle Monsters, mais sans monstres."

Et puis ça passe, et une fois cette envie furtive défoulatoire évaporée, et l'euphorie quelque peu apaisée, l'oeil s'attarde alors sur ces décors somptueux, ce rythme lancinant quasi hypnotique, cette contemplation envoûtante sous cette bande son relativement superbe. 45 minutes sont passées, le côté "traîne en longueur" s'atténue quand on cesse d'attendre les gros monstres qui bavent et qui ont la dalle qu'on pensait promis par le titre pour profiter un peu de l'histoire réelle que propose ce film.

"Monsters" est loin d'être un nom menteur. Gareth Edwards n'a juste jamais précisé de qui il parlait dans son titre.

Le périple des deux personnages se fait dans cette "zone infectée", un périmètre peuplé de créatures d'origine extraterrestre dont on ne sait rien, si ce n'est que leur éventuelle rencontre avec l'être humain est assez déconseillée. On les suit tout les deux au rythme lancinant des lueurs tombantes et des rais de lumière, des regards perdus et des courts échanges sur des vies ni plus, ni moins chargées qu'une autre, mais prononcées dans un contexte propice à une introspection sur sa condition. Les créatures, on ne les voit pas. Elles s'obstinent à demeurer invisibles tout autant que leur présence reste omniprésente dans ce paysage de désastre et de ruines, filmé avec des choix artistiques effleurant le "beau" du coin de l'objectif, montrant vestiges et destruction, cargos rongés par la rouille et dévorés de végétation, immeubles détruits pointant leurs pauvres décombres jaunâtres vers la face sombre et lourde d'un ciel de pollution, faisant de ces restes d'une civilisation si proche autant de temples antédiluviens d'un peuple aussi familier qu'oublié. Ce "beau" touche quand il parvient à montrer autant de splendeur dans la nature luxuriante clamant ses droits que dans les décombres dégueulasses de pierres usées et de ciment rongé, les deux trouvant une sorte de symbiose touchante en l'absence de leurs occupants. L'oeil se laisse aller sur ce paysage de désastre, qui ne comporte comme agression que les détonation incessantes des bombardements. Les personnages voguent sur leurs rêveries solitaires, le regard vidé, pas tant exténués par leur situation que par un endroit qu'ils ne comprennent plus.

Une nuit calme. Un vent doux agite les branches dans la cime des arbres sous un ciel teinté d'un pourpre radieux esthétisé par les explosions des bombardements incessants, sorte de lointain orage résonnant constamment, mélodie cristalline d'un désastre étouffé. Les voitures suivent leur route, sur un sentier de fortune, vers un retour tant espéré à la civilisation. Un choc. Arrêt brutal. Les personnages ont à peine le temps de voir dans leur champ de vision un énorme tentacule saisir la voiture de tête et l'emporter dans les airs par une force titanesque avant de la laisser retomber lourdement plusieurs mètres plus loin.
Terrifiés, les occupants de l'autre voitures se terrent au fond, dans le son de leurs respirations saccadées et étouffées, suffocant sous la peur et l'aberration de ce qu'ils viennent de voir. Ils éteignent les lumières au plus vite. ("éteins la torche ! éteins la torche éteins la !!", c'était l'interlude Jurassic Park, trop tentant, toutes mes excuses). Ils attendent un instant dans l'obscurité la plus totale avant d'entendre les pas lourds de la gigantesque créature repartir placidement dans la nuit, après avoir joué aux Majorettes avec un 4x4.

Les bombardements. C'était donc ça. Les bombes et les avions les rendent fous. Ces missiles incessants, jours et nuits, provoquent le tumulte chez ces goliaths-céphalopodes autrement pacifiques.

Le retour au calme et le périple continue, retrouvant son lancinant écoulement. Mais l'oeil ne s'attarde plus sur ces ruines délabrées avec le même vide. Le doute vient poluer ce regard. Un doute qui n'est pas tant porté sur ces créatures improbables et mystérieuses que sur l'être humain. L'oeil regarde ces ruines, et il regarde cette végétation heureuse dans ces terres désolées abandonnées par l'homme, dévorant sa liberté verdoyante avec une joie que trop longtemps enclavée. Et le mot "Monstre" n'a jamais été autant justifié.
Assis sur une colline, ils regardent l'énorme muraille cloisonnant cette zone infectée, dans un silence de tristesse, le regard fixé sur cette vie qui est la leur et qu'ils espéraient plus que tout au monde retrouver quelques heures plus tôt. Cette vie, robotisée et sourde, cachot du quotidien et de la course à la déraison, ce monde dont la seule image qu'il gardent en cet instant reste celle de quelques avions de chasse grisâtres se découpant sur un ciel d'un feu sombre, bombardant sans relâche une terre dont ils ne connaissent rien, animé par une peur irréfléchie et un excès de sécurité destructeur. Un monde figé, aussi froid maintenant que ce monolithe de béton qui se dresse face à eux comme leur sclérosante protection.

Oui, "Monsters" est bien un film de monstres, et ces monstres nous les connaissons tous.

Et maintenant, c'est le moment de mon paragraphe débile. J'ai parfois besoin d'un paragraphe débile, sinon, j'me sens frustré.
Alors je vais en profiter pour me faire des éventuels ennemis et endosser l'image d'un bourrin insensible, j'aime bien, je trouve ça rigolo.
J'ai envie de comparer Monsters à Into the Wild (j'avais prévenu, c'est débile). Je n'ai pas vraiment aimé Into the Wild. Ce film n'a pas sincèrement su me toucher. Quand on me demande mon avis sur Into the Wild, j'ai souvent tendance à répondre "Ah ouais, bah sinon si tu veux de l'aventure t'as King Kong aussi." (gros bourrin insensible que j'suis). J'ai toujours trouvé qu'il manquait quelque chose à ce film. Je sais pas.... Un requin avec des tentacules ou une hyène mutante bicéphale à tête de piranha et ailes de chauve souris. Après c'est modulable, j'aurais aussi accepté un castor carnivore de 5 mètres avec une gueule de crocodile. Enfin bref, il manquait un petit quelque chose quoi. Et ce petit quelque chose au film contemplatif, j'ai l'impression que Monsters me le donne. Oh bien-sur pas seulement parce qu'on y voit à quelques moments des créatures énormes avec des tentacules, mais aussi, surtout, parce qu'il sait envelopper ses paysages on ne peut plus vrai d'un voile d'irréel superbe, d'une douceur triste, pessimiste et humaine d'une extrême poésie. Et le tout culminant vers la scène finale qui si elle ne noue pas la gorge dans un tire-larme excessif, montre l'extrême justesse d'un ballet magnifique (dont je ne dirai rien de plus)

Voilà, comme promis ce paragraphe était en partie débile. Et comme je viens de me servir de cet espace d'écriture pour me décider, ou me le confirmer, je sais maintenant que je viens de parler d'un de mes coups de cœur ciné de ces derniers mois.

J'attendais une confirmation pour un Godzilla qui défouraille, mais je sais déjà que Gareth Edwards tient dans ce "Monsters" son film le plus personnel et le plus beau.
zombiraptor

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