Gens de la lune
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le 8 mars 2011
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Moon, la face cachée n'est probablement pas le film de science-fiction le plus connu de ces dernières années. Sobre et modeste, il ne représente pas l'archétype du film grandiloquent qui font se précipiter les foules dans les salles obscures. Découvert par hasard dans un top listant 100 films de science-fiction à découvrir, il semblait intéressant d'enfin le visionner, surtout avec la présence au casting (quasi-exclusif) de Sam Rockwell, actuellement à l'affiche dans 3 Billboards, les panneaux de la vengeance.
Le film ne tarde pas à imposer son ambiance. Silencieuse, froide et hostile, elle confronte Frank, employé solitaire d'une grande entreprise exploitant l'hélium 3, source d'énergie révolutionnaire et disponible en abondance sur la Lune, à ses démons et à la solitude. Rapidement, les non-dits et les lacunes scénaristiques, volontaires, s'accumulent et plongent le spectateur dans un doute permanent qui lui empêche de parfaitement comprendre ce qui est en train de se dérouler. Evidemment, la solitude de Frank, les décors tubulaires, la lenteur, le silence de l'espace et certains plans nous rappellent au bon souvenir du 2001, L'Odyssée de l'Espace de Stanley Kubrick. Une référence loin d'être arriviste étant donné la réflexion apportée par Moon, la face cachée sur l'humanité et son futur, et qui se combine bien avec les autres thématiques ici abordées, qui rappellent également Solaris d'Andreï Tarkovski et Blade Runner de Ridley Scott. Autant dire, trois monuments de la science-fiction.
Car ce qui fait tout l'intérêt de Moon, la face cachée, c'est sa capacité à nous confiner dans un espace étouffant en la seule compagnie d'un homme esseulé et d'un robot intelligent, tout en apportant une large réflexion sur notre futur, la condition humaine, et notre conscience. En effet, on observe dans le film de Duncan Jones une alerte sur la condition de l'Homme vis-à-vis des intérêts d'organisations supérieures. L'entreprise génère un chiffre d'affaire colossal et alimente en énergie la majeure partie de la planète, mais pendant ce temps, Frank doit survivre seul, loin de tous, sans considération de la part de ses employeurs. On retrouve ici le même type de traitement que celui des Replicants Nexus-6 de Blade Runner, où des êtres humains sont dépossédés de leur libre arbitre pour servir des intérêts qui semblent leur échapper, et dont on ne veut pas vraiment qu'ils puissent avoir la possibilité d'exprimer leur opinion.
C'est également le détachement d'un homme qui sacrifie sa vie personnelle au profit de sa vie personnelle, comme dans une dénonciation d'un système qui tend de plus en plus à nous soustraire à notre vie professionnelle. Dès lors, le contact avec la famille et les proches est rompu, et ils ne deviennent que des souvenirs avec qui on dialogue par messages vidéo, comme Nolan le montrera dans son Interstellar, aliénant le héros, dont ces souvenirs, plus que d'être réconfortants, le hantent, comme Tarkovski le faisait avec Kris Kelvin dans Solaris. Frank, dépossédé de ce qui le constituait en tant qu'être humain, vivote, existe sans vivre, et c'est même, finalement, presque Gerty, le robot de la station, le personnage le plus humain, comme dans une nouvelle volonté d'enfoncer le clou et de finalement rendre nos créations plus humaines que nous, comme le faisait Ridley Scott dans Blade Runner.
Si Moon, la face cachée est aussi référencé, ce n'est pas par opportunisme, car Duncan Jones parvient à réaliser ici un film intimiste et empreint de solitude et de mélancolie, parvenant, sans superflu, à exposer une vision réaliste et intelligente d'un futur où l'humain se déshumanise, où l'on quitte nos racines pour d'autres contrées, où la survie a pris le pas sur notre condition d'être humains. C'est le schéma d'une régression ici illustré avec simplicité mais beaucoup de maîtrise. Certains y sont aussi très bien arrivés avec de gros moyens, mais Duncan Jones y parvient avec un film discret mais au message clair et intelligent, parfaitement véhiculé ici par son acolyte Sam Rockwell, que je continue de découvrir, et qui, ici encore, impressionne par son interprétation multiple et remarquable. Un film à découvrir donc, en dépit de sa petite popularité !
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Créée
le 10 févr. 2018
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