Divisé en trois parties, de l'enfance à l'âge adulte, le parcours d'un jeune Noir dans les quartiers pauvres de Miami jusqu'à Atlanta est ainsi retracé dans un premier long-métrage tendre et délicat, souvent retenu et elliptique, en dépit de quelques afféteries de mise en scène : mouvements de caméra rotatifs, filtrage et surexposition. Uniquement peuplé de Noirs, le film montre combien l'appartenance à une communauté qu'on pourrait penser unie et solidaire du fait qu'elle a été souvent – ou qu'elle est encore – rejetée, stigmatisée ou niée dans ses droits ne garantit en aucune façon la protection, l'acceptation ou la sympathie pour peu qu'on diverge des codes et des coutumes de ladite communauté.
Le petit Chiron, si frêle et effacé qu'il a écopé du surnom de Little, va l'apprendre très tôt, victime désignée et bouc émissaire idéal par sa sexualité différente, que l'entourage (sa mère droguée, son père de substitution Juan, dealeur de crack, et les autres élèves du collège) semble percevoir avant qu'il n'en prenne lui-même conscience.
La troisième partie du film met à jour un Chiron métamorphosé, rebaptisé Black, comme si la seule échappatoire passait par s'attribuer jusqu'à l'excès les caractéristiques attachées à sa communauté : la force physique, l'apparence et l'activité d'un gangster dans la négation farouche et douloureuse de sa véritable nature. Devenu une montagne de muscles, solitaire et tentant de jouer à son tour les mentors auprès des jeunes qui travaillent désormais pour lui, Chiron n'en est pas moins fragile et surtout bien plus éloigné de lui-même que lorsqu'il était enfant ou adolescent.
Couvert d'éloges et figurant parmi les favoris de la prochaine cérémonie des Oscars, pour des motifs de bonne conscience davantage que pour ses qualités purement artistiques, Moonlight est un film honnête, qui ne verse jamais dans le lacrymal, réserve quelques belles séquences et communique au final une impression de tristesse et de gâchis. L'interprétation est à la hauteur avec mention spéciale pour le gamin attachant qui irradie le premier chapitre.