Poems don't always have to rhyme, you know. They're just supposed to be creative
Cannes, ce festival à deux sous mais tout en paillettes se sera donné l'air de découvrir un faux nouveau réalisateur du nom de Wes Anderson cette année avec Moonrise Kingdom. Donnant une grande publicité à un cinéaste déjà plus que confirmé. En règle générale quand on y dit comédie on ferme les yeux, si en plus le film vient des USA on se bouche les oreilles, Anderson aurait pu mal partir. Cannes est malheureusement devenu au cinéma ce que les Cahiers sont devenus eux aussi à ce même cinéma, un élitisme d'idiots.
Mais le succès, si tardif soit-il, est amplement mérité donc autant ne pas cracher dessus.
La recette de Wes Anderson est présente dans tous ses films. Les mêmes ingrédients principaux auxquels on rajoute différentes épices pour suivre à la trame. On pourrait dire qu'une fois que vous avez vu un Wes Anderson vous les avez tous vus mais bien sur ce serait incroyablement réducteur. Les dimensions philosophiques et psychologiques ne sont pas les mêmes et plus simplement l'histoire contée est différente.
Ces ingrédients qui forment ce style si particulier sont de façon non exhaustive :
Les problèmes familiaux, la famille qui ne fonctionne pas comme elle devrait l'être est un thème central chez Anderson avec surtout un ou des personnage(s) à part, différent(s) des autres qui trouvent une ou des personnes qui, au moins sur ce point, leur ressemble.
Une bo riche et incroyablement bien choisie ici en grand amoureux de la France, Wes choisit Alexandre Desplat qui y fait un boulot magnifique ainsi que le morceau de Francois Hardy, le fameux Temps de l'amour mis en musique par Dutronc.
Une esthétique et une photo juste sublime et tout aussi atypique.
Un casting de rêve avec Bill Muray, présent depuis son deuxième film jusque maintenant, le plus fidèle. Acteur parfait qui a trouvé son réalisateur.
Mais aussi, et c'est surprenant rien qu'à le lire : Bruce Willis, Edward Norton (Fight Club, American History X). Et puis Harvey Keitel (Taxi Driver, Reservoir Dogs, Thelma et Louise,...) en big boss.
La presse se paluche sur la fille, elle est mignonne avec surtout un charisme dingue du haut de ses 13 ans et c'est clair, je peux comprendre le possible futur lien entre elle et Natalie Portman dont la carrière a commencée très tôt. Mais tous les gosses du film sont juste fabuleux, des scouts qui partent à la recherche du déserteur tels un commando se retrouvant en plein dans une guerre de boutons.
"That sounds like poetry. Poems don't always have to rhyme, you know. They're just supposed to be creative.”
Une poésie et un charme dingue. Inspiré, il me semble, en plein de Jacques Tati et son burlesque. D'un point de vue technique on s'y retrouve, des plans fixes où l'action se passe comme dans un tableau qu'on animerait. Tous deux sont également des travailleurs acharnés à peaufiner leurs films au plus fin détail.
Là où Tati se bloquait lui-même en se mettant des limites formelles telles la non utilisation d'ellipses qui finissent par rendre les gags involontairement répétitifs et pouvant provoquer l'ennui lors de certains passage (Mon Oncle et le jet d'eau par exemple). J'ai peur qu'Anderson ne finisse, lui aussi, par montrer le même genre de défauts.
Il m'est malheureux d'avouer avoir eu un peu d'ennuie lors de certains passages même si l'esthétique et le charme reprenaient vite le dessus.
Tati n'est pas la seule source d'inspiration du réalisateur. Les plans de fin dans le brouillard de ce Moonrise Kingdom m'ont fait penser à Barry Lyndon tout comme les plans bleutés en haut du clocher ont pu me faire penser à ceux tout aussi bleutés d'un Nicholson se baladant dans un labyrinthe armé d'une hache.
Voir un Anderson, si on aime ses codes, c'est s'assurer qu'on ne sera pas déçu. Le plus malheureux c'est qu'à mes yeux ses films perdent un peu d'humanité et de charme au fur et à mesure du temps, un tout petit peu du moins. A force de garder une même recette qu'on peaufine de plus en plus est-ce qu'on la dénature fatalement ? Ou alors est-ce que Wes abandonne ce côté tragique de ses débuts pour virer le cap vers l'aventure, amorcé avec The Fantastic Mr Fox (que j'ai adoré), qui me laisse cette sensation ? Ou bien est-ce, simplement, que le style s'essouffle ?
J'ai aimé Moonrise Kingdom mais je lui préférerai toujours Rushmore.