Le style de Wes Anderson est très particulier: plan souvent assez larges et descriptifs, travelling en tous sens, esthétique très travaillée avec des choix de couleurs très prononcés, comme le rose dans The Grand Budapest Hotel, son dernier film, ou le jaune et le bleu dans Moonrise Kingdom. C'est donc tous ces ingrédients que l'on trouve dans cette épopée tragi-comique. C'est le parfait exemple du style Andersonien que j'admire tout particulièrement.
Si vous préférez le genre de films réalistes, passez votre chemin, car Moonrise Kingdom est un film très "romanesque", dans le genre des romans d'Alexandre Dumas: Les situations dans lesquelles se trouvent deux enfants amoureux qui traversent l'Angleterre, un camp scout à leur trousse, sont tout ce qu'il y a de plus improbable. Non, ce que vous regardez se vend comme un film chimérique.
On suit donc deux jeunes adolescents en cavale sur les côtes d'Angleterre. Le garçon, jeune orphelin, parait insensible et peu émotif derrière ce costume de scout et ce visage de marbre, caché par des lunettes rondes qui le rendent encore plus froid qu'il ne le paraît. La fille, elle, semble beaucoup plus susceptible. Elle est mignonne, mais ses parents la trouvent "perturbée" et les adultes la prennent pour une dégénérée.
Ce qui est intéressant dans ce film, c'est de voir le changement progressif de leurs comportements et la réaction des adultes par rapport à cette liaison. On s'attache rapidement aux deux personnages et, quand un adulte tente de les raisonner, nous ne pouvons le voir que comme un antagoniste, alors que son raisonnement est tout à fait correct. Car oui, il n'est pas normal que deux enfants se baladent tous seuls dans les montagnes d'Angleterre, avec pour seule protection un chat et un sac de scout. C'est donc un très bon choix scénaristique que de nous faire prendre le point de vue de ces gamins.
L'introduction se fait majestueusement, présentant à l'aide de plans larges et de travellings les décors et la situation sociale de chacun; bien sur, tout est haut en couleur, et malgré l'ambiance assez monotone, on ne peut s'empêcher de jubiler devant ces somptueux décors. Malgré tout, cela reste très lent à commencer. Mais ce n'est pas un défaut. Bien au contraire, cela crée un contraste entre un état des lieux où chaque personnage paraît se noyer dans un quotidien composé de repas riches et de conditions luxueuses (cela correspond plutôt à la fille, car les conditions de vie d'un scout ne sont pas non plus géniales) et une fugue remplie d'expériences et de frissons. C'est au cour de ce périple qu'ils découvriront l'amour (vous devez sûrement vous dire que c'est un peu gnangnan comme phrase, et vous n'avez pas tort...). Cela les mènera à la fin à carrément risquer sa vie pour rester avec l'autre, et le public reste scotché aux accoudoirs quand leur relations est mise en péril par des adultes incompréhensifs.
Le film ne manque pas d'humour. Du moins, le ton est assez léger et certains gags plus ou moins subtils sont insérés dans cette histoire romantique pourtant assez sérieuse. C'est le génie d'Anderson, qui avait su atteindre un degré d'humour très élevé dans The Grand Budapest Hotel, dans une histoire qui n'était pourtant pas du tout drôle. En fait, le comique est placé là où on s'y attend le moins dans des situations burlesques qui peuvent paraître assez lourdes mais qui pourtant sont très travaillées. On a beaucoup affaire à des comiques de situations (ex: le prêtre scout improvisé qui marie deux enfants de 13 ans).
Comme d'habitude dans les films de Wes Anderson (c'est un film typique de son réalisateur, donc je suis obligé de vous parler de lui à tous les paragraphes), la mise en scène est excellente. L'utilisation de plans larges en travellings lents incite le spectateur à contempler l'image et à glorifier le génie de la réalisation (Il est vrai que c'est un peu tape-à-l'oeil, sans pour autant être prétentieux). Les teintes sont très belles et les personnages sont souvent éclairés de lumières naturelles.
Le jeu d'acteur est très bon. Bien sur, on ne peut qu'apprécier la prestation des acteurs déjà reconnus comme Edward Norton et Bill Murray. Malgré tout, le jeu des enfants et foncièrement bon, en particulier les deux principaux (car il y a aussi les scouts, ce ne sont pas les seuls enfants).
La musique de Alexandre Desplat est géniale, assez répétitive, mais elle correspond parfaitement à l'atmosphère du film.
Au final, on a un film euphorisant et assez onirique sur le destin de deux adolescents qui découvrent l'amour, le tout mis en scène impeccablement par Wes Anderson, avec un ton très léger parsemé de gags tous aussi inattendus les uns que les autres. Note: 17/20