J'avoue que je ne connaissais pas l'oeuvre de ce réalisateur pourtant adulé par mes éclaireurs, Wes Anderson. Je n'avais à vrai dire aucune opinion sur lui, m'étant jusqu'à alors assez peu intéressé à ces films. Et, un soir de déprime, on me recommande Moonrise Kingdom. Et là, quelle cure de jouvence, un vrai petit régal, délirant, extravagant, un microcosme de jubilation, porté par un casting incroyable (Kara Hayward est une vraie révélation et Bruce Willis, méconnaissable).
Tout se déroule sur une petite île au large de la Nouvelle-Ecosse dans les années 60, un microcosme qui convient parfaitement à Wes Anderson qui peut alors développer son univers si particulier, une sorte de société miniature, pleine d'extravagance. En témoigne le narrateur, qui ponctue le film de ses interventions, devenant même à un moment un acteur de l'action, recadrant les autres personnages du film. De même, le plan d'introduction du film où la maison des Bishop semble tourner autour de la caméra, montrant pièce par pièce chaque membre de la famille avant de s'attarder sur Suzy, l'héroïne du film. Cette mise en scène si particulière, si singulière contribue à l'atmosphère tendre, enfantin du film.
Car c'est un film sur la fin de l'enfance, celui de deux jeunes de 12 ans tombant amoureux et décidant de s'enfuir pour vivre leur amour. A cela s'ajoute leurs problèmes personnels : Suzy est une fille rebelle et perturbée, Sam, un scout qui campe dans les environs, est orphelin. Autour d'eux des personnages extravagants : un Bruce Willis en chef de police déprimé et incompétent, Edward Norton en chef scout looser mais adorable, Bill Muray en père de famille trop occupé par son métier d'avocat, Jason Schwartzman en grand scout filouteur et adepte de tous les trafics.
Cette extravagance des caractères montre que le point de vue du film est un point de vue d'enfant. Cela est renforcé par l'immensité des camps scouts qui semblent être de vrais camps militaires retranchés, par les improbables évènements qui ponctuent le film : un éclair qui tombe sur un des protagonistes, une inondation et une tempête dantesques ; le film se fond avec l'imaginaire des héros du film qui sont tous des enfants. Les adultes, à l'inverse, semblent constamment dépassés par les évènements tout en étant très tristes. Seuls les enfants animent, colorient ce monde et le font vivre avec leur imagination.
Puis il y a cette histoire d'amour, touchante, sincère, émouvante, celle du premier baiser, des maladresses, des interrogations. On se rappelle forcément nos propres émois amoureux, l'été, en vacances. Les deux enfants semblent entrer dans l'adolescence, gagner en maturité, vivre leur histoire avec une indépendance et une détermination rare. Ils se marient symboliquement, s'enfuient à deux, vivent en adulte et c'est précisément en cela que Wes Anderson inverse les rôles dans ce film, donnant le pouvoir véritablement aux enfants qui sont finalement plus mûrs, courageux et débrouillards que les adultes.
Ce film est d'une fraicheur rare, une véritable bouffée d'oxygène, nostalgique, poétique, drôle et sensible, servi par une mise en scène originale et un casting royal.