"Laisse le bon entrer" ?... ouais c'est vrai que c'est moche.
Attention chef d'œuvre.
Alors déjà, la décision d'intituler ce film « Morse », alors que le titre en anglais est Let the right one in – traduction littérale du suédois – mérite un débat à elle toute seule. Mais passons sur les éternelles bougonneries franco-françaises.
Chef d'œuvre je disais, par sa photographie, pour commencer. Ce film est tout blanc, comme la neige, parsemé de rouge – je vous laisse deviner ce que représente ce rouge. Même la nuit est blanche dans Morse. Une nuit blanche de froid, qui procure des frissons d'empathie au spectateur plongé dans l'histoire.
Car le réalisateur fait bien son travail : on se sent proche d'Oskar, ce préadolescent loseur, martyrisé par ses ptits cons de camarades de classe, et qui décharge sa frustration sur les arbres du voisinage. On aurait pu tomber dans un film manichéen, mais non, le protagoniste – jeune blond très VanSantien, si je puis me permettre – est autant victime que bourreau, autant fragile que motivé à se surpasser. Eli, sa vampire de nouvelle copine, ne sera que le révélateur de ce qu'Oskar porte en lui.
Eli, justement, cette petite « fille » de 12 ans (« plus ou moins »), est merveilleusement bien interprétée par Lina Leandersson. Une créature de la nuit que l'on sent fatiguée de sa vie, de ses déplacements ininterrompus, de son impossibilité à s'attacher à d'autres gens que l'étrange personnage qui l'accompagne à son arrivée en ville. Elle est habitée par une sorte de fatalisme, que l'histoire nous permettra de comprendre peu à peu.
Morse, vous l'aurez compris à la lecture du résumé, est un film de vampire. Mais il est tellement plus que cela, qu'il serait dommage de ne le présenter que comme un film de genre. Pour autant, il se joue magistralement de tous les codes dudit genre : il reprend en effet une grande part de la mythologie vampirique originelle, qui a souvent été mise de côté au profit du sensationnalisme au cinéma, ces dernières années. Mais à aucun moment on ne sort du film, aucune scène n'est grotesque. Morse renoue avec l'essence des vampires, mais la dépoussière, l'enrichit (là, si j'étais une critique qui se prend au sérieux et qui veut en jeter, j'ajouterais un « la transcende, même », mais évidemment ce n'est pas mon genre).
Si vous êtes fatigué des films de vampire qui vous imposent une surenchère d'hémoglobine, sans connexion avec l'imagerie codifiée développée autour de ces créatures, regardez Morse. Si vous n'y connaissez rien en vampires et que vous aimez les belles histoires autour de personnages profonds, regardez Morse. Si vous êtes insensible au charme nordique et à la poésie que peut générer la relation entre deux enfants pas comme les autres, alors regardez Blade, ça vous plaira davantage.
Låt den rätte komma in est l'adaptation d'un roman du même nom, écrit par John Ajvide Lindqvist. Il faut quand même préciser que le film m'a laissée sur ma faim, concernant de nombreux points de l'histoire. Je ne doute pas que ça soit voulu de la part du réalisateur, mais ça m'a juste donné envie de lire le roman, pour mieux comprendre l'histoire d'Eli, et son lien avec cet homme qui l'accompagne, entre autres.
Un film que je recommande à tous mes amis cinéphiles, même s'ils n'aiment pas particulièrement le cinéma fantastique.