Z tu devais être, Z tu resteras
[Gros morceaux de spoil dans la critique qui va suivre. En caps lock en plus. Vous serez prévenus.]
Je viens de finir Cannibal Holocaust, film qui était sur ma to-see list depuis quelques années. J'avais entendu/lu une partie des polémiques sulfureuses l'entourant. La principale raison pour laquelle je l'appréhendais était cette histoire de tortue dont le meurtre n'était assurément pas simulé.
Je peux résister sans remuer un sourcil à des litres d'hémoglobine fake servis par un Hostel ou un Frontières, mais j'ai beaucoup plus de mal à soutenir la vue des reportages embarqués dans les camions de transport à la boucherie, ou les laboratoires de test cosmétiques (si vous avez regardé Cannibal Holocaust par fascination malsaine pour ce genre de scènes, faites vous plaisir, bande de malades – garanti sans trucages : http://bit.ly/b1drx1).
Je repoussais donc la vision de ce film depuis un moment. Mais finalement, mon envie de découvrir ce monument polémique m'aura poussée à lancer le fichier .avi (ouais, c'est moins classe que « mettre la galette dans le lecteur », mais pour le coup, je regrette pas de pas avoir investi dedans).
J'avais quand même fait en sorte de me tenir à l'écart du plus d'avis possible, et je viens juste de lire les critiques disponibles ici : je ne voulais pas que mon appréciation de l'œuvre soit influencée par celle d'autres personnes.
En lançant Cannibal Holocaust, je savais donc juste que j'allais avoir affaire à un faux documentaire – de toute évidence anthropologique (quoi qu'il faut le dire vite...) – avec plein de gore dedans. A priori un truc qui pouvait plaire à la fille qui a failli se faire pipi dessus devant Blair Witch, et qui adore les films dérangeants (si on mettait de côté l'aspect « snuff animal », pour reprendre une expression que j'ai lue ailleurs).
Évidemment, les scènes gores sont dégueu. J'ai pas eu la gerbe mais j'étais bien écœurée par les passages de torture animale. Surtout par l'idée qu'elles n'étaient pas feintes.
Pour ce qui est du gore humain, comme prévu, ça m'a effleurée sans jamais me toucher. Autant j'arrive à stresser à mort devant un film qui ne montre rien, mais dont la mise en scène est génialement angoissante (Marble Hornets, Blair Witch,...). Autant j'arrive très facilement à prendre de la distance face aux images choc, sachant pertinemment que ce n'est que du cinéma. Et en dehors de deux-trois sursauts, ou brefs grinçages de dents d'empathie avec le héros, la tripaille qui gicle et consorts, ça me fait + rire qu'autre chose.
Je n'ai donc pas été surprise sur ce point. Mais je n'en suis pas déçue.
La grosse déception pour moi, par contre, c'est le « message » de ce long métrage. J'ai quand même vaguement entendu/lu que c'était une sorte de brûlot anti-journalisme_racoleur/supériorité supposée de l'homme blanc sur ses « primitifs » semblables. Alors oui, j'aurais aimé que ce film fasse passer avec talent des messages aussi nécessaires. Mais force est de constater qu'il n'en est rien. Le film ESSAIE de dénoncer les dérives suscitées. Il ne fait que frôler ces thématiques ô combien porteuses et intéressantes. J'aurais aimé me dire, le cul par terre, « ah ouais, ces pseudo-journalistes ont bien foutu la merde, en gros cons prétentieux qu'ils sont ». Mais rien n'est crédible dans ce qu'ils font. Jamais personne n'agirait comme ils agissent (exceptée peut-être la scène du viol collectif qui, elle, est plausible à mes yeux). Tous les trucs cons qu'ils font, genre foutre le feu au village, tirer dans le cochon, RESTER LA A FILMER PENDANT QUE LEUR COPINE SE FAIT DÉCAPITER ET QUE LES SAUVAGES SONT A DEUX MÈTRES D'EUX, ET QU'ILS VONT ASSURÉMENT SE RETOURNER CONTRE EUX QUAND ILS EN AURONT FINI AVEC ELLE, n'ont aucune ébauche de bonne raison d'avoir lieu de cette façon. OK, pour le filmage de la torture de leur copine, c'est pour les images sensationnalistes, rentrer au pays en héros, être riche et se taper des putes (presque sic). OK. Si t'as l'espoir de rentrer en Amérique (God bless America, we are the world, toussa toussa) te taper des putes, alors CASSE-TOI DE LA, COURS POUR TA VIE, T'AS DÉJÀ CE QU'IL TE FAUT SUR LA BOBINE !!! Quand leurs actions ne sont pas stupides ou sans raison valable, elles vont simplement à l'encontre de l'instinct de survie de chaque animal, humain compris. Sérieux, quelqu'un peut me dire quel est l'intérêt pour leur « reportage » de se comporter comme ils le font avec les indigènes ? Rien n'a de sens dans leur comportement.
Alors peut-être simplement que j'attendais trop de ce film, qui n'est à prendre que comme une série Z et rien de plus. Si c'est le cas, j'aurais pu m'en passer, et j'aurais aimé qu'on n'en fasse pas l'apologie comme d'un film choc/coup de poing/renversant/indispensable pour comprendre et décrypter notre société des médias. Mon cul ouais. C'est une série Z. C'est mauvais. Le message est pas crédible, alors aucune raison de le sortir de sa case de série Z sous prétexte d'un message génial.
C'est à mon sens un film à mater quand on aime le gore. Quand on aime les scènes non-feintes de torture animale (j'avais entendu quelque part qu'il avait fait jurisprudence dans le domaine et que, depuis Cannibal Holocaust, la torture animale était interdite au cinéma – quelqu'un pour confirmer ?). Mais assurément pas quand on recherche autre chose que des frissons face à des boyaux/des pieux dans le fondement. Cannibal Holocaust est beaucoup trop grossièrement écrit pour porter un quelconque message révolutionnaire. Ce que je tolère pour un film d'horreur sans visée philosophique (faut bien que l'héroïne soit assez conne pour monter dans son grenier seule sans lampe de poche une nuit d'orage et d'Halloween, pour qu'on ait un support visuel pour accompagner nos pop-corn, nous), je ne vois aucune raison de l'excuser quand ça sert de base à un propos qui se veut dénonciateur d'un système vicié. À ce stade, je considère que c'est prendre le téléspectateur pour un con.
Qu'on vienne pas me dire que dans les années 80 ça avait plus de sens qu'aujourd'hui. Les gens avaient un cerveau aussi, dans les années 80 (bon ok, ils manquaient de bon goût musical et vestimentaire, mais c'est un autre débat).
Une petite mention spéciale à la musique d'ailleurs, qui est parfois très dérangeante, et d'autres fois simplement très belle. En tous cas toujours mémorable.
Pour conclure, je mets 4 à Cannibal Holocaust, pour l'effort. Il était peut-être le seul film de genre à tenter de dénoncer les médias à cette époque. Mais il le fait beaucoup trop mal pour mériter une meilleure note. Au cas où la critique ne serait pas assez claire : je ne le sacque pas parce qu'il est trop gore/dérangeant visuellement. Je le sacque parce qu'il n'est aucunement dérangeant idéologiquement. Et c'est un peu comme ça que les on-dit me l'ont vendu.