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De la (l'in)temporalité de l'épouvante

Critique croisée : Ça


Le film d'épouvante est une ritournelle, un genre codifié tournant en rond jusqu'à se vider de toute sa consistance, une formule cyclique entretenant la malédiction, un style à la fois marquant son époque et intemporel.
Mother ! et Ça relancent et manient cette rengaine et ce jeu de l'éternel. Ce sont deux œuvres singulières trahissant habilement les codes de son genre, deux figures de styles bien insoumises.


A l'instar de nombreux biopics, le film d'épouvante s'est enfermé dans une inertie et manque trop souvent d'inspiration; visant avant tout un public avide de sensations fortes et de sorties turbulentes. Certains d'entre-eux se perdront probablement dans les salles devant Ça.
Quelques mois après Get Out et Grave (bien que décevant, on pourrait presque citer aussi A Cure for Life), on retrouve un genre au service d'un propos. Ces quatre films nourrissent le fond par la forme. Ils ne trouvent pas une intrigue prétexte à faire du sensationnel mais donnent de la force au récit par le style.
Mother ! est l'illustration de l'angoisse de la vie à deux, la vie au foyer. La radicalité de la mise en scène et de l'évolution de l'intrigue nous rend compagnon d'infortune de Jennifer Lawrence. Ce n'est que par cette audace et le trouble qu'elle provoque que Mother ! interroge.
Ça est terrifiant dans l'illustration des angoisses qui mûrissent et oppressent les jeunes protagonistes. Chacun des adolescents se retrouvent tourmenté, en mal-être ou perdu. L'inévitable rebond de divers manquements dans l'éducation. La galerie de représentations des figures parentales est épouvantable, littéralement. Absent, abusif, violent ou opprimant ...et ce toujours jusqu'à l'extrême, jusqu'à en devenir des monstres. L'intrigue de Ça se fonde très bien sur sa forme et les codes du genre. Le roman n'a pas inventé ce lien profond entre le fond et la forme, cette adaptation au cinéma encore moins, mais il a le mérite d'être sincère et de tenir l'histoire, cela fonctionne aussi pour le film.
Tout cela n'est à-priori pas une histoire de temps. À cela près que, comme Get Out ou Grave, ces deux films se démarquent par leurs intentions. Dans une période où le film d'épouvante devient (trop) vite un phénomène, il est bon de voir des films de genre et d'auteur. On oublie les franchises interminables, les jump-scare gratuits, les parties de cache-cache dépassées et autres poupées poussiéreuses. C'est en revenant aux bases du genre, à ses origines, que des films comme Mother ! et Ça apporte un souffle nouveau à leurs styles présents.


Les influences du passé sont très présentes dans ces deux films. Dans la lignée de Stranger Things, Ça joue sur la nostalgie des années 80 et foisonne de références. Malgré sa singularité, Mother ! se nourrit aussi beaucoup d'antécédents de la culture populaire. Le lien avec le cinéma de Polanski des années 70 est évident (Le locataire, Rosemary's Baby) tout en tenant un fil très démarqué. Certaines images et l'ambiance générale renvoient aussi à Stephen King. Comme si Aronofsky révisait ses classiques pour passer (à) autre chose.
Il prend d'ailleurs soin de ne pas marquer clairement son époque, un mélange de contemporain dans les costumes et d'ancien dans les décors.
Ce qui est intéressant avec ces retours dans le temps c'est qu'ils soulignent l'intemporalité des propos traités dans chacun des films. Il est toujours question de relations humaines, une problématique universelle et éternelle, aussi présente dans Get Out et Grave. De la complexité à construire un foyer, partager et écouter dans l'intimité, ne pas délaisser ses proches mais surtout de la tourmente que cela peut engendrer.
Mother ! traduit la sensation d'enfermement qui peut en être. Il y est aussi question de la création, de l'inspiration. On y voit également un sujet tout à fait contemporain, le phénomène d'adulation, du culte de la célébrité. On peut aussi voir un constat bien cynique de l'irrespect de notre nourrice (la Terre ou bien la mère).
Quant à Ça, c'est la rencontre d'enfances déjà bien tourmentées, la faute à des relations d'entourage instables. Une problématique qui trouve évidement encore une forte résonance aujourd'hui.


L'écriture de ces deux long-métrages s'articule sur la tragédie. Les jeunes aventuriers de Ça et les résidents de Mother ! sont enfermés dans une boucle temporelle, celle de la malédiction perpétuelle.


Tout est une question de temps, dans le rythme, l'anachronisme, la réminiscence et la récurrence.

adamkesher01
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le 30 sept. 2017

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Adam Kesher

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