A plusieurs reprises dans sa carrière, Darren Aronofky s'est interrogé sur la nature de Dieu. dans π Dieu était mathématique, distant et implacable. Dans Noah c'est un tyran sanguinaire qui regarde les hommes moisir avant de les exterminer. Mother! arrive sans crier gare et n'avance pas tout de suite ses arguments. C'est une longue métaphore qui reprend l'essentiel des Deux Testaments de La Bible sous la forme angoissante de l'invasion incontrôlable de la maison de Mère Nature.


La première partie, sans même devoir se pencher sur son aspect métaphorique, est anxiogène comme pas deux. Jennifer Lawrence voit le contrôle de son petit coin tranquille lui échapper irrémédiablement aux mains d'inconnus irresponsables. De petits tracas comme un certain manque de respect jusqu'à un meurtre pur et simple dans le salon, rien ne lui est épargné.
Et Darren de la suivre dans ses moindres agissements, la caméra perpétuellement braquée sur elle ou sur ce qu'elle voit. L'horreur la frappe et on reste avec elle, créant un sentiment d'empathie qui magnifiera la deuxième partie.


Car en effet, comme il y a deux testaments, il y a deux parties au film, séparées par une certaine accalmie et la promesse de la Vie. La première partie suit l'Ancien Testament. Dieu accueille un homme puis sa femme dans son Paradis, et la Vie ne voit pas cette arrivée d'un œil très consilient. L'histoire lui donne raison car à peine arrivée, les deux foutent la merde, touchent au fruit défendu, laissent leurs enfants s'entretuer et engendrent une civilisation hédoniste qui n'a de respect pour rien et certainement pas pour Mère Nature. Alors ils sont chassés, on nettoie tout et Maman tombe enceinte du divin enfant.


Et c'est dans la deuxième partie que le discours de Darren sur la nature de Dieu va s'affiner.
Le Dieu Mathématique de π ne pouvait expliquer l'origine du mal.
Le Dieu Fils-de-Pute de Noah en était aussi bien la cause que la victime.
Mother! offre une lecture interessante : Dieu est un créateur en mal d'amour et de contact et il prend le risque de bafouer les mises-en-garde de sa compagne donneuse de vie pour satisfaire ce besoin. La dégénérescence des hommes il l'a causée rien qu'en acceptant leur présence, et il n'y peut rien, car quels que soient leurs méfaits, il a besoin d'eux. Il a besoin de leur amour, même malsain, même extrémiste. Il a besoin de leur présenter son fils, même s'ils doivent le sacrifier et manger son corps...


De son côté, Mère Nature enrage et tache de contenir sa haine, d'arranger les choses comme elles viennent, mais quand trop c'est trop elle fout le feu et emporte tout dans sa mort. Le dernier Livre de La Bible ou tout fout le camp, ne s'appelle pas "Révélations" pour rien.


Quand tout est révélé, donc, les spectateurs auront vu deux films en un. Un spectacle angoissant de la perte de tout ce qui est sacré, et une allégorie magistrale de ce qui a déjà été écrit.

mikeopuvty
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les Films de ma BluRaythèque, 2017 - TOP 10 et TOP 30 des années 2010

Créée

le 14 sept. 2017

Critique lue 16.1K fois

179 j'aime

7 commentaires

Mike Öpuvty

Écrit par

Critique lue 16.1K fois

179
7

D'autres avis sur Mother!

Mother!
Sergent_Pepper
2

Les arcanes du film d’horreur

Sur la table en acajou, l’écriteau « Attention verni frais ». Dans la corbeille, des cookies et du lait en brique, des pinceaux, de la Biafine, des cigares, un briquet, la Bible, un string vert et un...

le 8 déc. 2017

161 j'aime

27

Mother!
blacktide
7

Le monde, la chair et le diable

Il est parfois difficile de connaître son propre ressenti sur une œuvre. Non que l’avis soit une notion subjective qui ne s’impose véritablement à nous même que par le biais des émotions, mais que ce...

le 21 sept. 2017

139 j'aime

14

Mother!
Frenhofer
5

Les Ruines circulaires d'un Jardin aux sentiers qui bifurquent

Cinq baccarat Quand je mets cette note, ça na vaut pas 5: ça vaut à la fois 0 et 10. C'est la note parfaite pour ce film. Entendons-nous. Mother !, dernier né de Darren Aronovsky, est une oeuvre...

le 23 sept. 2017

137 j'aime

18

Du même critique

Super Size Me
mikeopuvty
2

Démonstration par l'absurde.

Super Soy Me : Morgan Spurlock passe deux mois à ne manger que des nouilles sauce soja. Il prend quinze kilos, mais on lui enlève un rein, donc au total seulement 14k850g... King Size Me : Morgan...

le 26 oct. 2012

254 j'aime

87

Hercule
mikeopuvty
3

HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARGGHHHH !!!!

" SI VOUS VIVEZ A LA FIN DU COMBAT ALORS C'EST GAGNE !! AAAAAAAAAAAAAAAAAAHH !!! " " BUVEZ SOUS PEINE D'AVOIR SOIF !!!! HAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!! " " QUAND NOUS AURONS GRAVI CES MARCHES NOUS SERONS...

le 27 août 2014

223 j'aime

29

Pourquoi j'ai pas mangé mon père
mikeopuvty
1

La Bouse de Jamel

On sait qu'une comédie est embarrassante quand les moments comiques provoquent des soupirs gênés, et les scènes de mystère ou épiques des éclats de rire... Pourquoi j'ai pas mangé mon père est de ces...

le 10 avr. 2015

207 j'aime

22