Autant prévenir – le spoiler est quasiment indispensable car c'est la seule façon de supporter la première partie et ses dialogues abscons, sans avoir envie de sortir toutes les cinq minutes.
Donc,
Dieu dans le jardin d'Eden, la Vierge Marie, Adam, Eve, Abel, Caïn, le Christ en nourrisson puis en hostie très gore, le livre sacré, l'humanité, la chute, l'Apocalypse …
(Tout cela est évidemment appuyé très lourdement – et sans réelle originalité ; ce genre de transposition a déjà été expérimenté à de multiples reprises, de Kazan à Malick, et souvent de façon bien plus fine).
En contrepoint,
Quelques références cinéphiliques à quelques classiques du film d'épouvante, Amityville, Rosemary's baby et sans doute quelques autres …
Peut-être, aussi, une fable écologique, dans l'air du temps, avec l'homme envahissant la planète, salopant et détruisant irrémédiablement le monde …
Et pour faire bon poids, une « réflexion » sur la création, les créations plutôt, la création artistique (avec le grand classique de l'écrivain en panne d'inspiration, en proie aux affres, aux affreux de la création), la création du monde évidemment et la procréation – tout cela se confondant, ou se contredisant, ou s'entrechoquant.
La même histoire est répétée trois fois, au cas où on n'aurait pas compris : des intrus s'invitent dans une maison avec l'aval, voire la bénédiction du maître des lieux , Dieu évidemment (confié à Javier Bardem, mâchoires serrées et regard fixe, en mode Chiguhr, ou en caricature de lui-même) et ils détruisent tout – avec à chaque fois plus de monde et plus de destructions, jusqu'au pandémonium final Tout cela est lourd, très lourd, répétitif, lourdement répétitif, indigeste, aussi prétentieux que vain, de l'esbroufe fatigante dissimulant mal le vide et le ridicule.
Il y a pourtant de vrais essais de mise en scène – qui pourraient presque justifier d'une appréciation plus favorable si le film ne soulevait pas une telle exaspération : le travail sur l'image à nouveau confiée à Matthew Libatique (mais loin des ors des précédents opus, privilégiant à présent les tonalités très sombres, ombres et pénombre en permanence) et surtout sur le son (quasiment sans musique), avec un jeu sur les bruitages, parfois en illustration appuyée de l'image et des événements visibles, parfois extérieurs au champ mais très présents, immersifs, parfois même très loin et d'autant plus inquiétants – tous ces sons qui correspondent en réalité à la seule perception très amplifiée, obsédante de l'héroïne. Cette centration sur le personnage (Jennifer Lawrence, en madone aux traits très stylisés, jusque dans la folie qui affleure) constitue sans doute l'élément le plus intéressant du film – d'autant plus qu'elle est très paradoxale : le personnage en réalité ne fait que subir l'enchaînement des éléments, n'influe sur rien et sa présence se trouve ainsi soumise au regard de Dieu/Bardem, imposée au spectateur, et plus sûrement encore à celui du deus ex machina, Aronofsky soi-même, plus grand que Dieu et jouant ainsi avec l'image de sa compagne (un fond psy derrière le fatras religieux ?). On pourra encore évoquer le jeu sur les décors, l'immense demeure (qui peut aussi évoquer celle des Moissons du ciel, un autre récit où Abel et Caïn vont aussi s'entretuer, mais tellement plus lumineux …), immense labyrinthe où le spectateur s'égare également, puisqu'à nouveau tout n'est découvert qu'à travers la perception de l'héroïne, filmée le plus souvent en très gros plan et avec une caméra portée plus que mobile.
Toutes ces trouvailles de réalisation se trouvent malheureusement gâchées par les délires mégalomaniaques du réalisateur, et finissent par tourner à la redite, à la répétition et même à renforcer encore cette impression très pesante définitivement et irrémédiablement imposée au spectateur.
Il est vrai que les enjeux n'étaient pas des moindres : le monde, l'amour, le sens de la vie …
(Mais on peut, aussi, préférer la vision des Monty Python …).