Mother Land
5.7
Mother Land

Film de Alexandre Aja (2024)

Trois ans après le décevant Oxygène tourné pour Netflix (je n'en ai aucun souvenir), Alexandre Aja revient sur grand écran avec Mother Land, un film qui prouve cette fois ci qu'il n'a rien perdu de son savoir faire. Un temps destiné au réalisateur clipeur Mark Romanek (Photo Obession) c'est donc finalement notre frenchie Aja qui s'y colle pour partir au fond des bois afin de mettre en image le scénario de Ryan Grassby et KC Coughlin.


Mother Land nous raconte l'histoire d'une femme qui vit avec ses deux fils dans une maison en bois reculée en plein cœur de la forêt. Toutes sorties doivent se faire dans un périmètre restreint et attachés à une corde qu'il ne faut surtout pas lâcher sous peine d'être contaminé par le mal qui rôde partout aux abords de la maison.


Mother Land est pour moi une très bonne surprise que je placerais bien volontiers dans mon top trois des films réalisés par Alexandre Aja. Si je vois beaucoup de critique concernant le rythme et la lenteur du film qui déboucherait sur une forme tenace d'ennui, j'ai pour ma part été happé par une intrigue aux accents shyamalanesques et un film qui fait la part belle à la tension tant horrifique que dramatique. Essentiellement basé sur son trio de personnages principaux il fallait déjà que l'interprétation soit à la hauteur pour nous immerger au sein de cette famille pas tout à fait comme les autres. Mother Land offre déjà un très joli rôle à Halle Berry, les traits tirés, le visage dur, la comédienne incarne ici une mère aimante et protectrice mais aussi une femme que l'on devine meurtrie par le passé le tout avec justesse, implication et puissance. Les deux jeunes acteurs Anthony B Jenkins et Percy Daggs IV sont eux aussi d'une très grande justesse dans toutes les contradictions que leurs personnages doivent porter nous offrant au passage quelques séquences d'émotions assez touchantes même si elles sont parfois un peu faciles. Le film baigne également dans une ambiance très particulière à la fois douce et anxiogène à l'image de cette forêt comme une barrière épaisse et cotonneuse autour de la maison et de cette même maison en bois à la fois refuge imprenable et prison. Des personnages fort dans un univers tangible et insaisissable c'était déjà presque assez pour faire un bon film mais Mother Land va plus loin en venant constamment questionner le spectateur sur la notion de croyance.


Mother Land est un film qui ne cesse d'interroger le spectateur sur ce qu'il voit et par extension sur la réalité de ce que les personnages vivent. Il est effectivement beaucoup question de croyance et de foi dans le film d'Alexandre Aja qui sans trop en avoir l'air parle d'éducation, de dogmatisme, de foi, de fanatisme, d'imaginaire et de croyances populaires. Faut il voir pour croire ou finit on par voir ce que l'on nous conditionne à croire et regarder, c'est l'une des nombreuses question d'un film qui choisit de ne jamais trop apporter de réponses laissant aux spectateurs le soin d'orienter leurs interprétations comme ils le voudront. Cette mère protège t-elle vraiment ces garçons d'un mal qu'elle est seule capable de ressentir, est elle déragée et fanatique au point de conditionner ses propres enfants dans cette folie, faut il un consentement à la croyance pour appréhender le monde tel qu'il est ?? C'est à travers de ce type de questionnement qui prend parfois la forme d'un conte de fées tordu que Alexandre Aja finit par interroger notre monde actuel, un monde dans lequel on s’enferme de plus en plus souvent dans des schémas de croyance et de pensées qui nous font aborder le monde uniquement par l'angle avec lequel on souhaite le regarder et nous coupe des autres jusqu'à en faire parfois des menaces permanentes et même des ennemis. Même si l'on pourra juger son final décevant Mother land est un film d'une grande richesse thématique le tout emballé dans un thriller fantastique teinté d'horreur et pétri d'une belle humanité envers ces personnages.


Avec Mother Land Alexandre Aja confirme qu'il est capable d'imposer à Hollywood une patte d'auteur aux films qu'il aborde toujours avec beaucoup de sérieux et de respect. Mother Land est un film séduisant, divertissant, prenant et intelligent ce qui est déjà quatre fois plus que bon nombres de films qui abreuvent régulièrement nos écrans.

freddyK
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2024 : Films vus et/ou revus

Créée

le 2 oct. 2024

Critique lue 88 fois

2 j'aime

3 commentaires

Freddy K

Écrit par

Critique lue 88 fois

2
3

D'autres avis sur Mother Land

Mother Land
Behind_the_Mask
7

Le mal de mère

Revoir la toujours ravissante Halle Berry dans un film horrifique a presque tout d'un saut dans le temps. Car vingt et un ans, soit un bon coup de pelle, séparent Mother Land de Gothika, déjà réalisé...

le 1 oct. 2024

17 j'aime

4

Mother Land
RedArrow
7

Ne pas couper le cordon

Depuis le choc du remake de "La Colline a des Yeux", Alexandre Aja a beau être devenu le réalisateur français de cinéma de genre ayant le mieux réussi aux États-Unis -et continuant qui plus est à y...

le 25 sept. 2024

13 j'aime

Mother Land
EricDebarnot
5

Lâcher la corde…

Tiens, pour une fois, le titre « français » d’un film anglo-saxon est plus juste par rapport au sujet que l’original, au point d’ailleurs d’être quasiment un spoiler quant au thème du film. « Ne...

le 4 oct. 2024

6 j'aime

Du même critique

Orelsan : Montre jamais ça à personne
freddyK
8

La Folie des Glandeurs

Depuis longtemps, comme un pari un peu fou sur un avenir improbable et incertain , Clément filme de manière compulsive et admirative son frère Aurélien et ses potes. Au tout début du commencement,...

le 16 oct. 2021

76 j'aime

5

La Flamme
freddyK
4

Le Bachelourd

Nouvelle série création pseudo-originale de Canal + alors qu'elle est l'adaptation (remake) de la série américaine Burning Love, La Flamme a donc déboulé sur nos petits écrans boosté par une campagne...

le 28 oct. 2020

55 j'aime

5

La Meilleure version de moi-même
freddyK
7

Le Rire Malade

J'attendais énormément de La Meilleure Version de Moi-Même première série écrite, réalisée et interprétée par Blanche Gardin. Une attente d'autant plus forte que la comédienne semblait vouloir se...

le 6 déc. 2021

44 j'aime

4