Dans une région isolée et montagneuse de Chine, une femme et son mari vivent avec leurs deux enfants. On réalise progressivement qu’ils ne sont là que depuis quelques mois et que la femme subit des violences conjugales. S’il faudra attendre pour comprendre comment et pourquoi Hong Xia accepte cette situation, les circonstances vont lui permettre d’y échapper à la suite d’un accident qui coûte la vie à son mari. Considéré comme le responsable du drame (pour chasser il place des pièges en forêt et il utilise des explosifs), Han Chong se voit chargé par les notables du village, de subvenir aux besoins de la jeune veuve, car il n’a pas les moyens de verser une compensation financière.


Par la même occasion, Han Chong (Ziyi Wang) s’occupe des enfants de Hong Xia. Le temps passé avec ces trois personnes fait que des liens se nouent…


Le réalisateur, Larry Yang, soigne l’aspect esthétique, puisque les paysages grandioses font leur effet dès le début. Il réussit à rendre parfaitement les grands espaces de la région, bien aidé par le rendu sonore. Tout cela est renforcé par la beauté du personnage féminin, interprété par Lang Yueting. On note par la même occasion la capacité du réalisateur à camper les caractères de ses personnages, ainsi qu’à insuffler de la vie dans son scénario (voir les scènes avec le chaton qui apportent par moments un peu de légèreté, voire d’innocence ou d’humour). Les interprètes sont pour une bonne part dans la réussite de ce film chinois : le spectateur passe par beaucoup d’émotions, car le scénario réserve de nombreuses révélations, en alternant des moments de drame et de tension avec d’autres plus intimes. Parmi les épisodes marquants, celui où les habitants du village cherchent à se mettre d’accord sur un point crucial : acceptent-ils oui ou non que Hong Xia reste au village, malgré une révélation à propos de son (lourd) passé ? La narration oscille avec bonheur entre passé et présent, de façon à éclairer progressivement la personnalité complexe de la jeune veuve. Clé de son drame personnel, son mutisme. Mais la Muette (comme l’appellent les villageois) ne manque ni de patience ni de caractère. Elle sait tirer parti des circonstances, mais aussi afficher ses désaccords ou colères en claquant brusquement sa porte.


Libre, Hong Xia s’imagine rapidement un avenir qui lui permettrait de relever la tête après de nombreux épisodes douloureux. Pas si simple, car une femme s’oppose à ses vues de façon énergique et persuasive, en utilisant tous les stratagèmes de la féminité. Ce qui laisse perplexe dans l’histoire, c’est la capacité de cette femme à utiliser des artifices vestimentaires et (maquillage) qui jurent vraiment avec ce que les autres femmes utilisent dans ce village reculé. Au chapitre des très relatives déceptions, on remarque que si l’action est située dans les années 1980, la période importe peu dans un scénario où l’essentiel se passe dans une région isolée, dans la province de Shanxi. Par contre, le film montre bien comment certaines relations s’établissent par des rapports de force difficile à défaire. Les rapports de force ou de domination sont au centre du film, que ce soit d’individu à individu, ou bien dans des groupes (on remarque par exemple qu’en cas de circonstance grave, les villageois constituent rapidement un groupe assez important et qu’une personne peut persuader ce groupe d’agir comme une masse).


Le drame révèle donc de multiples ramifications qui s’enchainent avec un naturel étonnant. Si on note que le final peut laisser un doute quant aux circonstances exactes de la mort du mari de Hong Xia, l’avenir de Han Chong sera fait d’une longue attente finalement consentie, parce qu’elle peut déboucher sur une situation épanouissante.


Un beau film très prenant qui, malgré quelques points moins heureux que l’ensemble, fait son effet aussi bien par la qualité de sa mise en scène que par son scénario bien construit, ainsi que son casting où Lang Yueting fait l’effet d’une très belle révélation. Adapté d’un roman de Ge Shuiping, ce film a été présenté en octobre 2015 au festival du film de Busan (Corée du sud). Sorti en Chine en août 2016, il a été présenté au 7ème festival du cinéma chinois en France.

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le 29 sept. 2017

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