Cela fait une éternité que je n'avais pas écrit de critique, mais la sortie de ce nouveau James Bond m'a obligé à sortir de mon hibernation. En effet, cinq jours après l'avant-première, ce film m'interroge encore, continuant de trotter dans mon esprit tel un parasite indécis. Je n'arrive toujours pas à trancher si Mourir peut attendre est bon ou mauvais. Le long-métrage divise beaucoup et c'est normal puisqu'il n'est pas un James Bond, comme on aurait pu l'attendre. On décortique ensemble cet objet cinématographique pour le moins contesté ou adulé, laissant très peu de place pour de la demi-mesure... Quoi de mieux d'organiser ma critique sous une forme d'antithèse !


QUALITES
Tout d'abord, on se fait toujours un peu plaisir en commençant par le positif car oui, il y en a ! Dès le début du film, on retrouve un James Bond vieillissant ressemblant à celui de Skyfall mais cette fois vraiment à la retraite. C'est d'ailleurs assez dommage que Spectre, où l'agent secret est au top de sa violence et sa puissance, soit placé entre les deux opus, cela crée une petite impression re-pédalage en arrière. Mais ne nous égarons pas dans le négatif, je salue surtout ici cette intention complètement assumée de montrer un James Bond amoureux, sensible, concluant tout le travail de relecture du personnage qui avait été commencé avec Casino Royale. Daniel Craig a conscience de ses rides, de ses fragilités mais garde ses ultimes forces pour ce dernier opus, livrant une très belle prestation.


Se plaçant entre modernité et hommage du passé, Mourir peut attendre redéfinit le mythe de James Bond en le menant à sa destruction, dans tous les sens du terme. La préparation de la "mort" du symbole 007 est omniprésente, appuyée par de petites touches de mélancolie et par divers clins d'oeil appuyés à tout un pan de sa saga, devenue mythologique. Au lieu de l'agent secret invincible et détaché, on y montre un homme plus que normal, conscient de ses sentiments et acceptant sa sensibilité. Le spectaculaire et la folie caractéristiques des scènes d'actions des James Bond ont disparu pour laisser place à des poursuites et des fusillades beaucoup plus froide, frontale et réaliste. Même le célèbre et épique combat de fin avec le vilain est détourné, cassant avec la tradition. Enfin, c'est surtout cette accentuation constante du mélodrame qui choque et qui a sûrement dû refroidir les nombreux spectateurs virils venus voir de la baston. Que ce soit à travers la mise en scène, la musique ou les dialogues, un certain romanesque surgit, étonnamment très appuyé. Il faut l'accepter assez tôt dans le film sinon vous resterez de marbre devant tout le reste, c'est un véritable contrat entre le spectateur et le réalisateur.


De même que le film, au risque d'en faire trop, n'a plus de limite et va assez loin dans l'iconisation de James Bond. N'hésitant pas à aller dans l'extrême, nous assistons à la chute d'un véritable Dieu. Annoncé dès le générique de début, somptueux de beauté symbolique et de sobriété, James Bond est représenté comme un être divin au destin tragique. La popularité du personnage coincide avec son rôle de fiction, de même qu'avec le départ de son acteur, le film possède donc un étonnant aspect méta qui tend à fasciner. Le refus d'une intrigue claire et crédible (ce que je vais critiquer par la suite) est contrebalancée par le fait que tout l'intérêt méta du film réside dans la fin de son mythe, si bien que le long-métrage n'a l'air d'avoir été écrit juste pour cette occasion.


Dernière qualité, l'écriture de ses personnages féminins. Madeleine, toujours interprétée par Léa Seydoux, gagne en épaisseur et entre véritablement dans l'action, devenant un personnage à part entière qui ne dépend pas de James Bond pour vivre au delà de l'intrigue. Fait important à souligner, elle est la première James Bond Girl à revenir deux fois de suite dans la sage, l'image est belle.
La nouvelle OO7, Nomi, est une avancée majeure dans la représentation de 007, énorme doigt d'honneur aux insurgés qui ne voulaient pas de Bond noir ou femme, ils ont obtenus les deux à la fois, pour notre plus grand plaisir ! Malgré son inutilité scénaristique, utilisée comme une vulgaire deus ex-machina ou faire-valoir constant de James Bond (elle arrive après la bataille pour faire le Uber à James Bond ou met en lieu sûr ses alliés dans la dernière partie du film sans prendre part au combat), il n'empêche qu'elle est sacrément bien caractérisée. Sa relation tout en piques avec James Bond permet de savoureux moments, multipliant les répliques cinglantes à un rythme effrénée.
La meilleure pour la fin, Ana de Armas apparaît moins d'une demi-heure mais dépasse toutes les espérances, volant la vedette à ses pairs. Elle incarne une agent secret rafraichissante et décomplexée, consciente de son désir mais maîtresse de ses pulsions. Véritable enfant dans un corps hyper-sexualisé, elle étonne et séduit le spectateur dans sa spontanéité, sa fougue et sa folie. L'équilibre est atteint, voici enfin un personnage féminin qui égale James Bond et qui est traité comme tel. Bravo, on veut la revoir.


DEFAUTS
Passons à ce qui fait mal, ce qui comprime notre poitrine pour mieux nous démontrer à quel point le film tant attendu était raté. Mesdames et Messieurs, les défauts !
Ce qui choque, dans le mauvais sens du terme maintenant, ce sont les trop nombreuses facilités scénaristiques, ressors grossiers et ennuyants ayant pour but de faire avancer l'intrigue. Ce qui devrait consolider le récit ne fait qu'alors le fragiliser, sachant qu'il part dans toutes les directions sans se concentrer sur une ligne directrice précise et efficace comme avait su le faire Skyfall par exemple. Le film allie à la fois des éléments du code génétique de la saga (exotisme, séquences d'actions, base secrète du méchant) et tend vers une modernité faussée avec une narration éclatée qui ne hiérarchise pas assez ses éléments pour que le résultat soit bon et solide.


Un des plus gros points négatifs du film réside dans son méchant interprété par Rami Malek, personnage qui n'est que finalement une pure plaisanterie. Je défie quiconque de pouvoir résumer son plan diabolique et expliquer les raisons personnelles qui le poussent à vouloir commettre un génocide mondial. Encore une fois, la densité de l'intrigue embrouille le spectateur: L'épidémie frappant le long-métrage vient de nanorobots ou de plantes ? De même que sa fascination pour Madeleine qui disparaît comme un cheveux sur la soupe, complètement évaporé dans la dernière partie du film alors que les deux personnages sont au centre de la séquence d'ouverture. Malgré tous les efforts de Rami Malek, Safin n'arrive pas à exister, la faute à l'intrigue brouillon qui ne permet pas au méchant d'avoir assez de place pour rester mémorable. De même que le fameux secret de Madeleine, tant teasé, restera finalement à la fois confus, maladroit et jamais à la hauteur des attentes.


Les personnages secondaires sont soit mal utilisés (la nouvelle 007 reste un énorme gâchis dans son interaction avec les autres personnages et dans son utilité artificielle dans l'intrigue), soit totalement dépecés de leurs substances vitales, réduits à de la simple figuration. Je pense en particulier à tous les anciens datant des films précédents (M, Moneypenny, Q), seul Félix Leiter s'en sort plutôt bien en ayant un véritable but et un impact dramatique dans l'histoire.


Là où Mourir peut attendre rate complètement le coche, c'est dans sa dernière partie. Les enjeux de la fin sont tellement flous qu'ils amoindrissent considérablement la portée émotionnelle de l'action. La question du climat politique tendue entre les japonais et les américains ne fait que rendre le tout encore plus confus, à un moment où le récit devrait justement encore plus se consacrer sur une scène intimiste de James Bond.


C'est vraiment dommage étant donné la fin tragique de son personnage, vraie bonne idée du film, condamné à rester de lui-même dans le bunker pour protéger ceux qu'il aime, choisissant ses propres cendres à l'Apocalypse, dans un dernier geste de bravoure aussi symbolique qu'émouvant, mis en valeur par une mise en scène tout en emphase.


Ainsi, personne ne ressortira de ce James Bond indemne, et ça restera sa vraie qualité. Il bouscule les codes, les détruit et assume sa différence en privilégiant le mélodrame et son côté méta. La mise en scène, efficace, se met en phase avec cette première intention du réalisateur, quitte à en faire trop. La musique de Hans Zimmer demeure quand à elle assez oubliable pour honorer cette rupture. Mais ce sera surtout le scénario qui décevra, incohérent et ayant recours à de multiples facilités scénaristiques.

Il n'empêche que lorsque que le générique apparaît, l'émotion est présente. Parce que, pour la première fois dans l'histoire de la saga James Bond, on aura suivi son parcours et son évolution sur cinq films, un même acteur pour une histoire commune qui nous aura fait tomber sous le charme de Daniel Craig. En fait, cette mini-saga dans le mythe de l'agent secret, c'est notre Vesper Lynd à nous. Elle a révélé notre fragilité pour mieux nous saisir et nous emporter. Mais il est maintenant temps de laisser le passé derrière nous et de regarder vers l'avenir, la question du successeur étant déjà sur toutes les bouches. La roue tourne mais les souvenirs resteront...

Créée

le 9 oct. 2021

Critique lue 291 fois

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Sinar1107

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