Quand Ben Affleck n’est pas Batman, il a tout de même du mal à ne pas être un super héros. Mais comme il a compris qu’on limitait un peu son jeu à la carrure de sa mâchoire, il s’est dit qu’il fallait trouver un rôle à sa juste mesure.
Un truc qui casse son image, où on le croirait d’abord psychopathe, dressé par papa.
Comme Dexter.
Mais un mec génial, avec des aptitudes de taré, mais pas magiques, réalistes.
Un autiste, en somme.
Comme Rain Man. Ou Un homme d’exception. Voire Forrest Gump : le gars des Béatitudes, « heureux les simples d’esprit », un type remarquable, doté de dons incroyables, tout ça.
Ça nous occasionne les jolies séquences où il range les œufs au plat dans son assiette et te fait la comptabilité des quinze dernières années d’une multinationale en une nuit, avec des chiffres en noir et des flèches en rouge sur les parois vitrées de l’open-space. Un truc kiffant pour la comptable, l’endive candidate à la tentative de meurtre qui va faire sortir notre bloc de marbre de sa réserve habituelle.
Donc, apprentissage de la sensibilité humaine avec ses ratés censés faire rire, enquête bien inutile du côté police de la force, pour un film qui dépasse les deux heures, allez comprendre pourquoi.
Mr Wolf est l’archétype du récit sans unité, et qui ratisse si large qu’il finit par ressembler à un vaste champ de terre meuble : de la finance, des mercenaires, de la famille, maman qui part, papa qui me dresse, mon frère qui me cherche, ma maladie, mes tocs, mes tics, ma trique nouvelle…ETC.
Parce que « le rôle glaçant » d’Affleck, comme le diront les emballages à poisson, se résume finalement à une mâchoire qui ne bouge pas (j’espère qu’ils l’ont moins payé, en terme de jeu, il a quand même eu moins de boulot), et des yeux qui cillent tout aussi peu, et surtout, ne cessent de s’héroïser au fil du récit. Certes, il bastonne sévère (le gars il a eu une enfance à la Kido dans Kill Bill, entrainé par toutes les sommités de la terre, parce qu’il a déménagé 36 fois en 17 ans, respect) comme dans John Wick ou Jack Reacher, mais c’est aussi un philanthrope qui donne pour les pauvres (comme Robin des Bois), informe la police (comme Batman donc) et se pique de culture de prestige (comme Thomas Crown).
Quelques menues révélations en fin de parcours sont censées éveiller notre intérêt : c’est sans compter sur la perspicacité du spectateur qui les auras éventées une heure auparavant.
Film inutile, prétentieux parce qu’il se prend au sérieux tout étant en tout point risible, Mr Wolff est un ratage d’envergure. Affleck devrait laisser de côté ses ambitions pour de véritables rôles. Finalement, quand on y pense, il a un frère qui s’en charge très bien.