Sun on a beach.
Much Loved pourrait être envisagé comme une suite possible à Mustang : constater les destins possibles de jeunes filles livrées à elles-mêmes dans la grande ville, ici Marrakech, et optant pour la...
le 22 oct. 2015
36 j'aime
On en est là aujourd’hui. On en est là, à appeler à l’exécution d’une actrice et d’un metteur en scène parce qu’ils font du cinéma, parce qu’ils ont fait un film ensemble révélant l’hypocrisie générale d’un pays (le Maroc), soi-disant porteur de "valeurs morales et religieuses", face au problème de la prostitution (et à la place de la femme aussi, convoitée mais rabaissée, avilie). On en est là, à les condamner eux plutôt qu’à s’interroger, qu’à débattre éventuellement de la question et de ses répercussions, de ses fondements ("La prostitution est autour de nous et au lieu de refuser de la voir, il faut essayer de comprendre comment des femmes qui ont eu un parcours difficile ont pu en arriver là", a expliqué Nabil Ayouch).
On en est là, vautrés dans un climat délétère où la parole se permet trop, se permet tout, où liberté d’expression rime avec nauséabond et réseaux sociaux avec échafaud. Déjà pour ça, déjà contre ça, Much loved doit être vu. Bouillonnant, engagé, imparfait (le dernier tiers, avec l’arrivée d’une nouvelle fille dans le clan, perd de l’intensité et de la rigueur des deux premiers), le film d’Ayouch témoigne des nombreux tabous (prostitution, pédophilie, drogues, alcool, homosexualité, misère sexuelle, police corrompue…) d’une société en plein déni, hyper malade de ses maux. Derrière les traditions, la grande mascarade.
Ses héroïnes sont des prostituées radieuses, fragiles et volcaniques, traversant les nuits chaudes d’une Marrakech exsangue telles des guerrières en talons hauts malgré l’ignominie (scène terrible des billets à ramasser par terre) et le mépris des hommes, filant de palais privés pour milliardaires Saoudiens à de médiocres nightclubs pour Européens ivres et friqués, ou trop amoureux. Profitant d’un système qui les tolère et les rejette, les désire et les vomit en même temps, Noha, Randa et les autres se démènent comme elles peuvent pour (sur)vivre et forcer de peu un quotidien enrayé (rejoindre son père en Espagne, se rapprocher de sa famille, ouvrir un salon de coiffure…).
C’est une réalité qui dérange parce qu’elle se doit de n’être que des mots, pas plus qu’un soupir ou des regards à la dérobée, et certainement pas un film qui crache la vérité, qui montre des femmes à genoux, sexuées, dénudées, exploitées. Une réalité passée sous silence qu’Ayouch révèle dans toute sa violence et ses contradictions. Une réalité que censeurs et milieux conservateurs, sans courage, refusent de regarder en face, de comprendre et de solutionner. Emporté par une bande d’actrices belles et électriques (Loubna Abidar en tête), Much loved vibre d’audace, d’amour et d’humanité pour ces filles "trop aimées", quand d’autres n’y ont vu pourtant qu’outrages et ordures, aboyant à la ronde au scandale et à la haine. On en est donc là maintenant, en pleine bêtise.
Créée
le 17 sept. 2015
Critique lue 1.7K fois
45 j'aime
4 commentaires
D'autres avis sur Much Loved
Much Loved pourrait être envisagé comme une suite possible à Mustang : constater les destins possibles de jeunes filles livrées à elles-mêmes dans la grande ville, ici Marrakech, et optant pour la...
le 22 oct. 2015
36 j'aime
Depuis sa présentation à la Quinzaine des Réalisateurs, Much Loved doit faire face à la croisade politico-médiatique que lui assène le gouvernement marocain. Censurée uniquement à partir d’extraits,...
Par
le 15 juin 2015
24 j'aime
3
Sorti de son contexte géopolitique, que reste-t-il de Much loved ? Puisqu'il n'est évidemment pas question de remettre en cause la légitimité de son existence (au Maroc comme ailleurs), c'est la...
Par
le 27 sept. 2015
17 j'aime
6
Du même critique
Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...
Par
le 18 janv. 2017
182 j'aime
3
Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...
Par
le 19 oct. 2013
180 j'aime
43
En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...
Par
le 11 oct. 2015
162 j'aime
25