Tout d'abord, il faut saluer l'extraordinaire courage du réalisateur et surtout de ses actrices qui risquent une véritable fatwa dans leur pays avec cette affaire que représente Much Loved. Après avoir reconnu ceci, reste à juger l'objet du scandale pour ce qu'il est en terme cinématographique, et malheureusement ce film que j'aurais aimé encensé n'est pas à la hauteur de mes espérances.


Le défaut majeur vient du choix par le réalisateur de faire une chronique plutôt qu'un récit narratif traditionnel. Much Loved est une succession de saynètes dévoilant le monde de la prostitution marocaine sans que les personnages n'évoluent d'un iota du début à la fin. Les actrices, toutes brillantes, parviennent à nous faire ressentir la force de caractère de ces femmes ainsi que leur complicité presque enfantine. Mais ces personnages auraient mérité de vivre un parcours narratif avec de vrais ressorts dramatiques. Ayouch se contente de montrer, sans rien réellement raconter, avec une réalisation pour le moins scolaire, et n'élève jamais sa mise en scène avec une quelconque maestria. Rien ne s'imprime sur la rétine d'un spectateur qui sans réellement s'ennuyer se contentera d'observer mollement le quotidien des prostituées. Le peu d'évènements racontés n'affecte guère le cours des choses : les filles se disputent, elles sont rabibochées la scène suivante; une fille est battue, elle sera consolée et on passe à autre chose. Autre gros défaut, le manque navrant de surprise d'une histoire nous livrant des clichés rébarbatifs: les européens beaufs et cons, les saoudiens débauchés , l'inévitable travelo complice des filles... le summum atteint dans un dernier plan se voulant auteuriste profond mais déjà vu 8000 fois ailleurs. La chronique induit aussi la répétition de scènes qui finissent par nous agacer, notamment lorsque les filles se chamaillent à n'en plus finir. Oui, nous avons compris qu'elles sont solidaires, oui, nous avons compris qu'elles sont décomplexés, oui, nous savons qu'elles possèdent une force de caractère exceptionnel. Mais au nom du ciel, racontez nous quelque chose !


En oubliant de nous raconter une histoire, Nabil Ayouch passe à côté de son film. Much loved flattera peut être la fibre révolté des professionnels de l'indignation en bandoulière mais pas un cinéphage aguérri comme moi.

cesarsanchez
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le 6 oct. 2015

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