Y a quelque chose de vraiment envoûtant dans le cinéma de Jeff Nichols.
C'était déjà le cas dans "Take Shelter", ça l'est encore plus ici alors que les 2 films non quasiment rien à voir (même si en cherchant bien, on peut y retrouver certains axes de lecture)
Moi, les films d'amour , ça me gonfle. Le sujet me laisse 4 fois sur 5 totalement de marbre.
Pas que je suis un cœur de pierre mais le sujet est tellement éculé et on en a fait tellement n'importe quoi que je reste méfiant de nature.

Mais ici, il n'y avait pas de quoi.
Déjà parce que ça ne parle pas que de ça : Pèle-mêle , on a un peu de polar , un peu de récit initiatique, un peu de chronique sociale.
La thématique est classique voir simpliste mais Jeff Nichols a su y saupoudrer, ici et là, certaines étrangetés bienvenues ( le bateau dans l'arbre, le fait que Mud apparaissent et disparaissent comme ça et qu'il sait à tout moment quand quelqu'un est là , le coup de la chemise qui le protège, les signes de superstition et j'en passes).
Des éléments qui ont très peu d'impact sur le récit mais qui lui donne un ton assez unique.

Ensuite, quand ça parle d'amour , ça en parle bien et de façon assez intelligente (peut être plus intelligente que réellement émotive d'ailleurs)
L'amour y est vue sur toutes ses formes : sexuelles, sentimentales, amicales et filiales et à différents moments de la vie de chacun : un amour excessif et incompris, un amour naissant , un amour qui prend fin et un autre qui naît.
En le traitant de telle façon, il a su rendre son propos plus réel et profond et réussi à éviter de tomber dans une naïveté sentimentale.
Un exemple parmi d'autres : Au départ, si on est un peu rapide à l'analyse, on pourrait presque croire que le film est misogyne . En effet si on écoute les hommes ( qui sont les acteurs majoritaires de cette histoire), tout est de la faute des femmes : la mère d'Ellis qui veut briser la vie de sa famille, la petite ami de Mud qui se sert de lui mais ne fait jamais le premier pas et puis au final, plus le film avance , plus le propos s'étoffe. Les situations se complexifient et deviennent plus justes et moins caricaturales.
Dans une histoire d'amour , d'amitié, de famille, il n'y a pas de fautifs. Tout le monde est responsable et à sa part d'erreurs à assumer.

On pourra toujours reprocher au film sa lenteur emprunte d'une douce mélancolie (accentué par une superbe musique).
On pourra aussi lui reprocher de faire un peu son Terrence Malick en filmant de long plan sur le bayou (même si chez Jeff Nichols , elle sert essentiellement de décor à son intrigue et nous épargne toute la mystique qu'on peut retrouver chez Malick) mais au final, tout ça sert le cinéma du jeune réalisateur.
Tout ça fait fait qu'en 2 films totalement diffèrent, j'arrive déjà à ressentir la patte précise d'un réalisateur de talent et à me sentir proche de celle-ci.

Au final, le cinéma de Nichols me touche car il s’attache avant tout à ses personnages quels qu'ils soient (principaux ou secondaires, bon ou mauvais).
C'est un cinéma sincère, fascinant et toujours bienveillant (avec une certaine pointe d'optimiste sans tomber dans le béni oui oui) et à notre époque , je trouve ça assez rafraîchissant.

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le 11 janv. 2014

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