Mujo
7.4
Mujo

Film de Akio Jissôji (1970)

Mujo, drame autour d'un tabou

Mujo est un très beau drame en noir et blanc à la cinématographie agréable. C'est l'histoire d'un jeu fraternel qui dérape et entraîne le petit frère et la grande soeur de 25 ans dans une spirale passionnelle. Un jour, la soeur trouve deux masques que leurs parents avaient l'habitude de porter en se prenant pour des personnages de Nô. En portant ces mêmes masques à leur tour, la paire semble prendre leur rôle. Maintenant qu'ils ont changé d'identité, ils peuvent se permettre ce qu'un frère et une soeur n'oseraient jamais faire. C'est sans doute ce qu'il pense en tentant de la violer. Il a suffit d'un regard pour que sa soeur change pour lui, qu'il la perçoive comme une femme comme une autre.

Cela ne pouvait durer infiniment sans conséquence : la soeur a un retard de dix jours. Se sachant le père sans être sans ignorer que leur relation n'a aucune chance d'être acceptée par la société -surtout par les parents-, Masao encourage Yuri à séduire Iwashita, un étudiant qui vit chez eux. Yuri et Masao s'éloignent. On félicite le couple factice de jeunes parents dont l'amour est scellé par les liens du mariage et la vie semble reprendre son cours. Pour ainsi dire Masao a eu ce qu'il voulait, obsédé par les sculptures bouddhiques, il n'a jamais voulu aller à l'université ou prendre la succession de son père. Selon lui Iwashita pourra prendre sa place.

Mais l'éloignement physique n'a rien changé à la chose. Masao et Yuri se retrouvent dans les ruines, laissent éclater leur amour frustré. Oui, son vrai mari c'est bien Masao et pas Iwashita, pense-t-elle en s'offrant à lui. Le frère et la soeur sont observés à leur insu pour la deuxième fois mais cette fois-ci a des conséquences tragiques. Iwashita n'en croit pas ses yeux et se sent trahi. La vie ne peut lui offrir aucun remède. Quant aux parents ils continent à ne se douter de rien quant à la nature des relations de leur progéniture. Masao semble semer le chaos partout où il va, cause indirectement la mort de deux personnes à cause de son hédonisme exacerbé -il n'hésitera pas à séduire la deuxième femme de son maître impotent avant de l'inviter à pratiquer le triolisme-.

Le film est tonitruant, marqué par la répétition musicale et sonore qui aide à dramatiser ce récit tortueux. Jissoji lui insuffle également de très beaux mouvements de caméra (je pense surtout à un certain travelling qui accentue le poids de la découverte des deux amants insolites ou à cette maison familiale dans laquelle la caméra nous invite lors de la scène du jeu de poursuite avec les masques).En dépit de nombreuses scènes sensuelles, Mujo invite aussi au questionnement (par exemple Le mal existe-t-il vraiment ?) car Masao incarne un certain positionnement face au monde qui rentre en conflit avec celui d'un moine. Petit, il était tombé sur des représentations de l'enfer qui l'avaient tourmenté pendant un bon moment mais face au paradis il ne ressentait aucune émotion, ce qu'il a trouvé bien paradoxal. Rien. Pas de plaisir. Juste le néant. En effet, le paradis ne pourrait être l'endroit où l'on assouvit ses désirs car c'est mal considéré. Masao ne croit donc pas au paradis puisqu'il est lieu de néant et n'a de cesse dans la vie que d'exaucer ses voeux. De plus, il n'est pas le seul à succomber.
En bref, un bon film de Jissoji sur le tabou de l'inceste malgré quelques longueurs.
Sassie
7
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le 2 juil. 2011

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