Informé que son bébé n'échappera pas au gibet, Barry Cook, sûrement dans l'espoir de limiter la casse, écrit un draft rapide pour Mulan II mais son idée d'une armée de Huns fantômes est rejetée sans autre forme de procès au détriment d'un film plus modeste et facile à mettre à œuvre. Passées plusieurs réécritures (où ont été progressivement éjectés un rôle prépondérant pour la Marieuse et un dragon femelle comme love-interest de Mushu) et la suppression de presque toutes les scènes d'action, originellement enregistrées et storyboardées, Mulan 2 : La Mission de L'Empereur voit enfin le jour.
Nous voilà catapultés en terrain connu avec des visages familiers, les spectateurs retrouvent la Maison des Fa plus d'un mois après la défaite de Shan-Yu. Dans son premier quart d'heure, le DTV ne laisse pas envisager le pire. Logiquement traitée comme une attraction locale, Mulan a regagné sa place et inspire les petites villageoises à trouver le juste équilibre entre l'action et le calme, la philosophie du yin et du yang s'impose dès lors comme le thème-phare de l'histoire, posant un contrecoup cohérent et même adapté aux événements du premier film, une intrigue annexe se suivant en parallèle sur le couple déclaré entre Mulan et le général Shang.
Dans cette idée de réduire les dépenses et l'échelle du film, une parade astucieuse est utilisée, proposant de régler un conflit national par la voie diplomatique et non par une hécatombe. L'Empereur charge alors ses deux meilleurs éléments (même s'il n'y a concrètement aucune raison de faire appel à une femme qui n'a servi qu'une fois dans l'armée et pour une mission qui ne relève clairement pas de son domaine de compétence) d'escorter ses filles jusqu'à un royaume voisin afin d'y sceller une union pour contrer la menace grandissante qui se profile au-delà de la Chine. Et c'est à partir de là que l'étripage moral débute. Dans la douleur et surtout dans la lenteur.
Mulan 2 : La Mission de L'Empereur peut plus ou moins être décrit comme l'anti-Mulan dans tout ce qu'il enseigne, vantant la primauté du besoin égoïste sur le bien commun, rejetant le moindre sens du devoir et inculquant aveuglément (encore que, sommes-nous en droit de nous demander si ce n'est pas volontaire) l'irresponsabilité. En plaçant, dès le départ, des enjeux humains trop importants dans sa triple romance, le scénario ne trouve pas de meilleure solution que de les effacer doucement de la mémoire des personnages (mais pas de la nôtre) pour déboucher plus facilement vers une résolution qui ne coûtera rien à personne même si les conséquences devraient être irrémédiablement catastrophiques. Il aurait suffit d'une simple phrase ou d'une brève discussion pour "convaincre" de l'irréfutabilité de cette pacification forcée mais non, rien ne doit entraver les retrouvailles amoureuses.
Car mieux que de parler éthique et de justice, DisneyToon Studios se sont donnés pour tâche d'éclairer leur public innocent sur ce qui les attend une fois avoir trouvé l'âme-soeur. Parce que cette division nous a tellement bien prouvé par le passé qu'elle était de taille à traiter des problèmes conjugaux. Les fans vont donc contempler avec répugnance d'incessantes chamailleries épouvantables entre les futurs mariés pendant une heure, la moitié du temps légitimes (et c'est ce qui sera le plus atroce à regarder) alors qu'elles ne sont pas censées l'être, qui vont petit à petit éradiquer l'estime que nous avions pour eux. Si le viol de Mulan est impardonnable, celui de Shang est innommable, les réalisateurs le dégradant au point de le faire passer pour un bouffon médisant et antipathique. Le sabotage est complété avec Mushu, fourbe jusqu'au bout des griffes et s'égayant à tenter de séparer le couple durant une bonne partie de l'histoire. Un vrai concours de têtes à claques.
Tout ça pour terminer sur un ignoble clicheton visant à rappeler que qui se ressemble s'assemble, les querelles entre conjoints ne pouvant prendre fin que si la même pensée est partagée sans prendre le temps de discuter. À gerber. Mais l'un des plus grands crimes de cette suite est d'avoir à sa disposition assez de moyens pour rendre un travail un minimum propre : Retour de la quasi-totalité du casting, stars comprises (à l'exception d'Eddy Murphy, remplacé par son imitateur régulier, Mark Moseley); animation au-dessus de la moyenne pour un produit vidéo; une équipe musicale qui a fait ses preuves etc... et que ces personnes doivent soutenir un script aussi indigent, inepte et sale. Alors qu'il était si facile de nous épargner un tel supplice en virant les quiproquos crétins, la niaiserie profonde des dialogues et un message d'émancipation qui est la dernière chose à renvoyer dans un contexte d'avant-guerre.
Les années n'auront pas aidé Mulan 2 : La Mission de L'Empereur à avoir au moins le droit d'être oublié. La colère des fans aura, au contraire, augmenté jusqu'à le citer comme un des pires doigts d'honneur adressés à un film Disney. Et au vu des antécédents, c'est peu dire et il est difficile de leur donner tort.