Je me rappelle l'avoir vu en salle en 2001 à l'Utopia de Toulouse, un souvenir gravé à vie dans ma mémoire. Ce fut une claque monumentale et il m'aura fallu plusieurs semaines, voire même des mois, pour m'en remettre ! Il y aura un avant et un après Mulholland Drive. Aprés Mulholland Drive, mon rapport au cinéma ne sera plus jamais le même. Et si je l'ai vu à plusieurs reprises depuis, une bonne dizaine de fois peut-être, à chaque fois je l'ai reçu un peu différemment. Il peut être interprété de différentes façons selon le spectateur, mais l'essentiel se situe au niveau sensoriel. Il serait dommage de passer à côté du film, de peur de ne rien comprendre, alors que l'essentiel se situe ailleurs ... au niveau du ressenti émotionnel.

Mais Mulholland Drive c'est quoi ? Vaste question ... mais je dirai que c'est des rêves et des cauchemars entremêlés, qui traduisent les peurs des personnages. David Lynch mêle les séquences de rêves pour en faire de beaux tableaux. Mulholland Drive c'est une galerie d'art dans laquelle nous nous promenons. Et le plus fascinant pour nous spectateurs, c'est d'essayer de comprendre les rêves dans les rêves et de démêler tout ça. Ça n'a pas de sens ? On s'amuse quand même à y chercher un sens. Et en se promenant dans le film, ne rien comprendre ne nous empêche pas d'être fascinés par l'expérience, car les images et le son (et le montage) nous maintiennent en apnée. Tous nos sens sont sollicités, ce qui nous oblige à rester actif dans l'œuvre.

Le film est découpé en deux parties. La première partie traite du rêve et dans la seconde partie on revient à la réalité. La première partie représente la fugue psychologique de Diane (Naomi Watts) qui mène l'enquête avec Rita (Laura Elena Harring) pour retrouver son identité. Et quand on revient à la réalité dans la deuxième partie, tout prend sens. Diane se révèle être une personne paranoïaque et on nage est en plein délire depuis le début. Les deux scènes du Winkies (première partie et seconde partie) sont cruciales et remettent tout en perspective. C'est là que Diane va commanditer le meurtre de son ex Camilla Rhodes/Rita. Ce Winkies première partie est glauque, car c'est là que tout a commencé dans la descente aux enfers de Diane. Chaque élément de la vie réelle a été transposée dans le délire de la première partie.

La deuxième partie est courte, mais fourmille de détails et tous ces détails se retrouveront expliqués dans la première partie (version fantasmée de Diane), même l’histoire du réalisateur et de sa femme l'ayant trompé avec le gars qui s'occupe de sa piscine. Durant le dîner de fiançailles à la fin du film, il s'esclaffe en disant "I got the pool, she got the pool-man". Il prend cher durant toute la première partie et passe de "winner" dans la vie réelle, à "looser" dans la première partie. Il apparait faible et malchanceux, il ne contrôle tout simplement plus rien. Cette première partie est donc une réalité idéalisée, très comparable à la fugue psychogénétique de Fred Madison (Bill Pullman) dans Lost Highway. Diane réécrit l'histoire à sa façon en se donnant le beau rôle, à la façon d'un délire paranoïaque.

Aprés, il y a bien quelques détails qui à mes yeux n'ont pas de sens, ou du moins moi je n'en ai toujours pas trouvé. Il reste donc les deux petits vieux, bien flippants d'ailleurs ces deux-là. Je ne crois pas qu'on les voie dans la vie réelle. Ce sont peut-être les parents de Diane, mais rien n'est moins sûr. Il y a aussi le clochard qui semble venir d'un monde surnaturel, comme Bob dans Twin Peaks. Et le côté inachevé de certaines scènes (la séquence avec Robert Forster par exemple) traduit la genèse d'un film qui devait originellement être une série, mais même ça, ça participe à la singularité de l'univers du film. David Lynch a prit les choses au pied de la lettre avec l'expression "the American dream" pour livrer un cauchemar sublime. Ma scène préférée est peut-être celle du dîner de fiançailles d'une cruauté absolue, ou celle du club Silencio complètement envoûtante.

Bref, Mulholland Drive est un film magnifique et puissant sur la jalousie, le remord et l'illusion. C'est clairement une œuvre culte, mon film préféré d'un réalisateur que j'aime énormément, David Lynch. C'est aussi le film qui a révélé Naomie Watts au grand public et qui est éblouissante dans ce film, l'une des prestation les plus hallucinantes que j'ai vu ... et ce n'est pas un hasard si c'est devenue l'une de mes actrices préférées.

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le 14 mai 2024

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lessthantod

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