Choisi, assez logiquement, cette année par la "critique mondiale" comme le meilleur film du XXIème siècle, "Mulholland Drive" est fondé sur la plus pure croyance dans le Cinéma, tout en en magnifiant tous les artifices pour repousser une fois de plus les limites de "l'expérience" du spectateur. Typiquement, les premiers visionnages seront l'occasion de s'amuser à pénétrer les nombreux secrets de ce film tout-à-fait hors du commun : on peut comprendre assez vite comment Lynch a procédé, à partir des ruines de son "pilot" rejeté par la télévision, pour construire un film-puzzle/monstre de Frankenstein, dont les éléments se correspondent sans tout-à-fait s'adapter, en utilisant la "logique du rêve" mais aussi sa géniale intuition d'artiste. Oui, n'en déplaise à ceux qui, incroyablement, rejettent le film pour sa complexité, il y a bien une logique, imparable même, derrière le travail de Lynch ! Mais une fois celle-ci découverte, le miracle est que la beauté sombre et vénéneuse de "Mulholland Drive" ne s'en trouve nullement diminuée : il y a en effet ici suffisamment de moments d'une intensité étouffante (au hasard, la première scène du coffee shop, absolument pivotale par rapport au récit), de grandes scènes comme suspendues au dessus de l'abîme de notre inconscient, et même de gags absurdes pour remplir trois ou quatre films plus économes. Oui, "Mulholland Drive" nous mène aux portes de l'un des plus intenses des plaisirs de cinéphile : ce pincement au cœur, entre angoisse et griserie, quand on mesure l'intensité de notre propre vertige au bord du gouffre... Soulignons pour finir que Lynch nous offre un voyage d'une rigueur parfaite dans la psyché féminine, et ce grâce à Naomi Watts et Laura Elena Harring, qui illuminent le film et nous laissent abasourdis de cette expérience à nulle autre pareille... En larmes. Crying. Llorando. [Critique écrite en 2016]