Abject et interminable sont les deux seuls qualificatifs qui me viennent à l’esprit alors que je viens d’achever Munich, à moins que Munich ne m’ait achevé. Clint Eastwood traitant de la bataille d’Iwo Jima avait eu la délicatesse d’adopter l’événement du point de vue de chaque protagoniste, conscient que certains événements historiques sensibles nécessitent de voir les nuances qui les composent. Autant dire que le sujet de la prise d’otages Israéliens par des Palestiniens était éminemment risqué et d’une complexité qui imposait toute la finesse et la neutralité possibles. Traiter un événement d’une violence excessive et comportant tant d’enjeux politiques n’est pas donner au premier réalisateur venu, même lorsqu’il s’agit de Steven Spielberg.

Tous nous avons un jour entendu parlé de cette prise d’otages en pleins jeux olympiques, de sa fin sanglante et de ses conséquences sur la vie des Palestiniens. On sait moins en revanche que les commanditaires supposés ont été pourchassés et exécutés par un groupe d’Israéliens, envoyés aux meurtres par leur premier ministre pour faire savoir au monde qu’Israël se venge. C’est sur Avner, le chef du groupe, que s’attarde avant tout Munich, un homme simple, mais excessivement patriote et choqué par la mort de tous les otages. La motivation ne lui manque pas un instant lorsqu’on lui demande de partir en croisade contre les terroristes, l’esprit de vengeance et la volonté de revanche chevillés au corps. On assiste à la prise de renseignements, à la préparation des meurtres puis à leur exécution, sans oublier d’insistants passages sur la femme enceinte d’Avner.

Cette Histoire méritait probablement d’être traitée, mais certainement pas à charge, maladroite et abjecte sous plusieurs aspects. Les effets utilisés par Spielberg sont lourds de sens et parfois très naïfs, le déséquilibre entre le traitement de l’horreur de la prise d’otage, la vengeance « compréhensible » du peuple juif et l’absence absolue de la question palestinienne dans l’équation est totalement impardonnable. Tant que cette question géopolitique centrale ne sera pas traitée de façon neutre et factuelle, sans que la ferveur religieuse ne vienne pervertir le débat, ce problème restera insoluble. Il y a probablement une volonté mémorielle dans ce film, malheureusement uniquement au crédit des Israéliens morts sous les balles des preneurs d’otages ou dans les attentats qui suivirent l’exécution des commanditaires.

L’absence de justice, les exécutions sommaires ressemblant à des meurtres en série, l’humanité que Spielberg retire aux protagonistes palestiniens, tout cela n’est que très peu remis en cause. Les personnages des hommes à abattre ne sont absolument pas explorés ou mis en place, ils ne restent que de vagues silhouettes amenées à exploser sous les bombes israéliennes. En toile de fond, il y a la terre promise que ces deux peuples se disputent, idée défendue côté Palestiniens par un terroriste, côté Juifs par la mère du héros, dans un grand élan lyrique. C’est au fond toujours le même problème, celui de la légitimité de la justice personnelle, cette justice pratiquée aujourd’hui par les U.S.A. lorsqu’ils assassinent des « terroristes présumés » en territoire étranger. Spielberg a sa réponse et insiste pour nous la faire comprendre, jusqu’au ridicule en fin de film, lorsque se superposent les images d’Avner en train d’honorer son épouse et celles, en flashback, de l’exécution atroce des otages, à ce moment précis le film bascule dans le malsain.

Steven Spielberg n’est pas réalisateur de films d’action, chacun le sait et ici on le ressent très fortement. Autant il maitrise parfaitement le côté « grand souffle » de beaucoup de ses films, autant le rythme d’un film tel que celui-ci ne lui convient pas. Les scènes de meurtre qui devraient être les plus intéressantes cinématographiquement sont expédiées sans procès, entre celles-ci s’accumulent les scènes bavardes sans aucun intérêt et surtout sans fin, telle cette visite inutile chez le père de Louis pour dégraisser de la viande. Spielberg insiste, Spielberg grossit et alourdit le trait jusqu’à la nausée, voulant à la fois nous convaincre, tout en nous prenant pour des imbéciles incapables de comprendre un conflit.

Je ne sauverai que les prestations des comédiens qui semblent plus convaincus que moi par le scénario, mais sont perdus au milieu d’une mise en scène qui n’a jamais été aussi plate, sans imagination ni créativité. J’ai un goût amer dans la bouche, une patte épaisse qui refuse de se laisser avaler et reste à deux doigts de ressortir, consciente d’être indigeste. Même s’il y a quelques exceptions, Spielberg n’est jamais aussi bon que lorsqu’il devient l’adulte aux films d’enfant. Avec Munich il signe un de ses plus grands échecs idéologiques, défendant ouvertement une cause, un peuple, une terre et une religion. Ce conflit n’est pas ce que Spielberg veut bien nous en montrer, ce conflit c’est l’affrontement de la Bêtise contre l’Ignorance et il ne l’a pas compris.
Jambalaya
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le 17 juin 2014

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Jambalaya

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