La durée, la durée ! C'est ça qu'il faut retenir de ce film, c'est la durée ! Car il n'y a rien de mieux que la durée, et là, on a du temps réel pendant 1h15, quasiment sans ellipse, on va suivre Muriel Leferle, toxicomane, prostituée, séropositive qui vient de voler une voiture... et on va la suivre dans le palais de justice, voir son avocat, le substitut du procureur et une personne dont le rôle m'échappe, peut-être une sorte de psychologue.
Et c'est juste beau de parvenir ainsi à filmer le métier des gens, on voit comment travaillent les gens dans un palais de justice , mais aussi comment se sent le prévenu.
Alors je n'ai pas encore vu délits flagrants où on retrouve l'histoire de Muriel Leferle en compagnie d'autres, donc je ne sais pas comment ça se termine pour elle... Cependant, ce n'est pas ça qui importe, ce qui importe c'est de voir des gens qui sont vrais, des gens qui ne font pas semblant... La fille elle ne fait pas semblant d'être une camée, de se prostituer, elle le fait pour de vrai. Et lorsqu'elle regarde son avocat et dit qu'elle prend soin d'elle et que la santé c'est tout pour elle, alors qu'elle a dit cinq minutes avant qu'elle se droguait, qu'elle se piquait, qu'elle était séropositive... Elle ne fait pas exprès, elle ne ment pas.
Parce qu'il pourrait être facile de ricaner et dire qu'elle est bête, que si on se drogue on ne respecte forcément pas son corps, mais le film ne juge pas, la mise en scène est la plus neutre possible, elle ne cherche ni à embellir, ni à enlaidir.
Je me suis posé la question de la place de la caméra, parce que les gens semblent l'oublier, or si on observe quelque chose on le modifie forcément (principe d'incertitude d'Heisenberg) et on n'y fait référence qu'une seule fois, la substitut du procureur qui demande si elle est toujours d'accord pour être filmée, elle répond vite fait, fait une blague et l'oublie. Limite j'aurai aimé savoir ce que Depardon lui a dit avant pour qu'elle arrive à l'oublier, pour que l'avocat l'oublie. Pour qu'il n'y ait même pas un regard caméra qui leur échappe (je crois que Muriel en fait un à un moment). S'il a placé sa caméra derrière une vitre sans tain, s'il est lui-même derrière la caméra, ce genre de choses pour qu'on puisse comprendre le dispositif. C'est une question qui m'intéresse.
C'est un film assez fort, déjà parce qu'il a beau ne durer qu'une heure quinze et qu'on pourrait avoir l'impression qu'il ne se passe rien... c'est la tragédie humaine que l'on a devant les yeux, sans compassion, sans jugement, sans voyeurisme, juste la routine pour ces professionnels et pour cette jeune fille. Et c'est ça le pire, c'est qu'elle n'est pas seule dans son cas.
En tous cas je verrai Délits Flagrants, je veux savoir si sa défense va tenir.