Music est le premier film de Sia, qui l'a réalisé, écrit, produit, a interprété la chanson du générique, y joue un rôle, a dessiné les décors, a confectionné votre téléviseur, vous a préparé votre popcorn qu'elle a planté elle-même... (On rigole...) Mais peut-être qu'à trop vouloir endosser de casquettes, la miss à la perruque bicolore ne s'est pas aperçue de la polémique "pré-fabriquée" que son film allait susciter, et ce, dès la bande-annonce (c'est plus simple de méjuger sans voir le film). Que l'on s'y arrête une seconde avant de critiquer le film en lui-même est important, car de ces polémiques stériles découlent de nombreux avis qui parlent d'un "film anti-autistes", ce qui est une accusation très grave. Premièrement, on répond à la colère de voir une actrice neurotypique jouer l'autiste, en lieu et place d'une personne réellement atteinte du trouble. Si certains films l'ont fait (on pense au si joli Le Huitième Jour), il faut écouter les commentaires des réalisateurs qui expliquent tous les aménagements de plateaux, d'horaires, de jeu qui sont faits, qui ne sont pas vraiment évidents à gérer, et l'on peut alors comprendre que pour une première expérience en réalisatrice, Sia n'a pas osé exposer une personne autiste à ces décors multicolores, flashy, qui tournent dans tous les sens, avec des dizaines de danseurs (avec les complications épileptiques induites par ces scènes : c'était d'emblée mission impossible). Secondement (et dernièrement, oui, c'était rapide), on a pu lire des avis traumatisés par les scènes de contention (la pratique qui consiste à maintenir l'autiste dans une position statique afin que sa crise se calme et qu'il ne se blesse pas) : clairement, ces personnes n'ont pas pris la peine de regarder le film. Si la pratique est débattue depuis des années (mal maîtrisée, elle aggrave la crise, les blessures, etc...), ce qui est montré à l'écran est plutôt le reflet de la réalité que de l'idéal, puisque les personnages n'ont pas d'alternatives à leur disposition (en balade au milieu d'un parc), que la jeune fille en crise se frappe et panique, donc une scène malheureusement réaliste : face à la situation de crise, on est souvent démuni et l'on fait avec les moyens du bord. Il fallait replacer la pratique dans le contexte de la scène. Bien, à présent, nous en avons fini de désamorcer ce terrain miné, on peut y aller sur le film en lui-même. Music est une histoire touchante d'entraide qui réunit une jeune autiste (vous l'aurez compris), une junkie qui tente de s'en sortir, et un jeune homme qui doit tenir la chandelle au mariage de son frère avec son ex-petite amie (sympa, le frangin). La jeune autiste voit le monde à sa façon, et chaque stimuli de son environnement se traduit par un monde tout en couleurs pétardes, en costumes dingues, chorégraphies dynamiques et chansons qui donnent la pêche. Les premières "bascules" dans le monde des Bisounours sous LSD fonctionnent bien, on trouve le concept abstrait mais très intéressant : un peu comme une visite au musée d'art moderne où l'on a perdu le dépliant d'explications, on regarde les œuvres l'air heureux, sans tout comprendre, mais l'art est avant tout une affaire de ressentis, alors pourquoi ne pas laisser ces couleurs et ce tempo vous envahir ? En revanche, à partir du mi-film, on commence à voir de plus en plus de chansons débouler de nulle part (quand l'autiste n'est pas là, alors qu'on pensait que c'était sa vision ?), dont les paroles n'ont plus de rapport avec le propos du film, et qui finissent par ressembler à un catalogue de vente des clips de Sia (on en perd de vue l'intrigue). On aperçoit la star Sia dans un court caméo, visage barbouillé de crème dont seuls les yeux dépassent, ce qui fera toujours plaisir aux fans. Pour ce qui est de Maddie Ziegler, on trouve son interprétation plutôt convaincante (qui ne peut pas être généralisable à tous les cas d'autisme, forcément, mais pour notre part nous avons connu plusieurs années le parfait sosie des symptômes qu'elle joue) et l'on est même déçus de la voir danser avec entrain dans les clips et la scène d'après tenter de nous faire retrouver cette illusion de croire à son trouble (cela casse sans arrêt l'illusion). Ce film conceptuel étonne constamment, oscillant entre histoire touchante et clips déjantés (on a retrouvé les ballons géants du Maldon du Zouk Machine), qui devient maladroit sur les deux tableaux au point d'en être mal compris et détourné : des fausses polémiques et un vrai catalogue de vente pour Sia.